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LE « G7 » FACE À LA FIN DE L’HÉGÉMONIE OCCIDENTALE
Le Sommet des 7 pays les plus riches de la planète qui vient de se tenir sous présidence japonaise, à Hiroshima, est extrêmement instructif sur les évolutions profondes et durables de l’ordre mondial.
Il y a quatre ans, au lendemain d’un « G7 » sous présidence française, à Biarritz, Emmanuel Macron avait brisé un tabou en déclarant devant quelque 200 ambassadeurs de France réunis à Paris : « Nous sommes sans doute en train de vivre la fin de l’hégémonie occidentale sur le monde ». Depuis lors, l’affaiblissement de la Chine due à la stratégie du « zéro Covid » puis celui de la Russie à la suite de l’invasion de l’Ukraine et des lourdes sanctions qui s’ensuivirent pouvaient faire penser que les puissances occidentales avaient recouvré, au moins pour un temps, leur suprématie mondiale d’antan. Or, si, grâce à la désastreuse initiative de Poutine, « les Etats-Unis ont repris en main la destinée de l’Europe » (Thierry de Monbrial), les efforts de Washington et de ses alliés pour amadouer le « Sud global » ou le sommer de choisir son camp n’ont pas eu l’effet escompté : le fossé entre l’Occident et le reste du monde n’a fait que s’élargir. On vient d’en avoir confirmation, tant au Sommet d’Hiroshima que dans d’autres enceintes.
Ainsi, le Premier Ministre de l’Inde -le plus choyé des huit pays « émergents » invités au « G7 », en sa qualité de rivale de la Chine- a précisé qu’il se rendait au « G7 » pour « amplifier la voix et les préoccupations du Sud global ». Quant au Président du Brésil, « Lula », sa venue au Sommet occidental ne l’a pas davantage conduit à dévier de sa stratégie de « non alignement ». Ces deux exemples sont d’autant plus significatifs qu’ils concernent deux géants du Sud, piliers des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud).
Rappelons que ce groupe de nations, qui, par-delà ce qui les sépare , coopèrent sur leurs points de convergence, se voient collectivement comme un contre-poids à la domination des Etats occidentaux. Il s’est doté de sa propre banque de développement pour s’affranchir de la tutelle du dollar, du FMI et de la Banque mondiale . Le siège de la « Banque des BRICS » est en Chine, son premier directeur général fut indien, son actuelle dirigeante est l’ancienne présidente du Brésil, Dilma Roussef . Symbole fort : la contribution des BRICS au Produit intérieur brut mondial, en parité de pouvoir d’achat, dépasse depuis 2020 celle des États du « G7 » ! Enfin, pas moins de 19 pays -d’Afrique, d’Amérique latine, d’Asie et du Moyen Orient- ont la volonté de rejoindre ce pôle alternatif, tout en préservant leur souveraineté. L’hégémonie occidentale, et même l’hégémonie mondiale en général, sont bien mortes. On assiste, selon la belle formule de Bertrand Badie, à « l’impuissance de la puissance ».
Une réalité difficile à admettre parmi les « élites » occidentales . Nulle mieux que Christine Lagarde n’a exprimé cette nostalgie d’un monde « sous la direction hégémonique des États-Unis »: « Dans la période qui a suivi la guerre froide -poursuivit la Présidente de la Banque centrale européenne- le monde a bénéficié d’un environnement géopolitique remarquablement favorable »(1). Cette page est définitivement tournée. L’avenir reste à écrire.
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(1) Discours (avril 2023) devant l’ « US Council of Foreign Relations », à New-York.
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