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Il faut espérer que l’analyse fine des résultats des élections européennes nous apporte des éclaircissements sur l’état d’esprit du « peuple de gauche » . En particulier sur un point crucial: quels ont été les différents choix électoraux des déçus , des révoltés, des écoeurés de François Hollande et de sa politique « bruxello-compatible ». Constituent-ils les gros bataillons des abstentionnistes , dans l’attente d’une offre politique en phase avec leurs attentes? Puissent ces femmes et ces hommes ne pas tirer de la pseudo-campagne électorale qui vient de s’achever et du paysage politique ahurissant auquel elle a abouti la conclusion que, quoiqu’on dise ou fasse, l’Europe ne peut nous apporter que des malheurs , et que par conséquent le mieux serait de s’en détourner.
Comme d’autres, j’ai eu l’opportunité de participer, durant toute cette période, à une multitude de rencontres , certes aux dimensions modestes -disons de plusieurs dizaines jusqu’à 200 personnes- mais au contenu politique et humain qui rappelait les plus belles heures du grand débat citoyen de 2005 sur le projet de traité constitutionnel. L’échantillonnage de cette trentaine de réunions publiques est suffisamment varié pour autoriser quelques extrapolations. Diversité géographique, tout d’abord : Pyrénées Orientales, Indre et Loire, Nord, Côte d’Or, Ariège, Ardèche, Loire, Landes, Meurthe et Moselle, Haut-Rhin, Bas-Rhin, Manche, Drôme, Alpes de Haute Provence, Oise, Ile-et-Vilaine, Dordogne ainsi que Paris et cinq départements d’Ile-de-France . Diversité des organisateurs également : PCF et Front de Gauche, collectifs citoyens, groupe d’élus, associations, organisme officiel ou semi-officiel. Diversité de forme, enfin : débat avec un seul invité, débat pluraliste, débat contradictoire.
Or, la première chose qui frappe , c’est une volonté de comprendre cette machinerie lointaine et suspecte , pour peser : Quels sont les pouvoirs respectifs du Parlement européen et de la Commission ? En quoi consiste le travail de nos élus? Comment peut-on intervenir dans ce processus? Où en sont les rapports de force politiques dans les autres pays ?…Tel participant s’est dit « sidéré par le décalage entre le travail effectué et ce qui en est perçu ».
Quelques enjeux légitimement perçus comme « lourds » alimentent particulièrement les échanges. Ainsi, l’exigence d’en finir avec les politiques d’austérité et, partant, la nécessité de reprendre le pouvoir sur l’argent et son utilisation sont-elles souvent abordées : exceptionnellement sous l’angle de la « sortie de l’euro » , généralement à partir de tout ce qui touche à la Banque centrale européenne et à la refonte de ses missions et de son fonctionnement . La situation en Grèce figure également parmi les thèmes favoris , de même que Syrisa et son leader Alexis Tsipras, plébiscité ! Les questions liées à l’actualité sont naturellement prisées: l’énergie, à propos d’Alstom; les « travailleurs détachés » en rapport avec les nombreux cas de dumping social; la politique extérieure de l’UE, en liaison avec la crise ukrainienne; l’action -ou plutôt l’inaction- de l’Europe contre le réchauffement climatique , en prévision de la Conférence internationale de Paris en 2015. Et naturellement, le dossier brûlant du « grand marché transatlantique »…
Enfin, les questions relevant de la « stratégie » à mettre en œuvre pour passer d’une simple posture rhétorique à un réel processus de luttes visant à transformer l’Europe tiennent toute leur place : il existe une soif pour des débats de fond sur l’Europe et une impressionnante expertise de terrain qui ne demande qu’à nourrir la réflexion et l’action politiques. Tous apprécient qu’on tourne le dos aux jeux politiciens pour faire résolument appel à l’intelligence et à l’intervention citoyenne .Tous disent se retrouver dans la démarche alliant l’opposition à la proposition -« refuser, rassembler, reconstruire »- . Ainsi conçue, « L’Europe,c’est passionnant! » a commenté sur son blog une élue de Saint-Gratien , dans le Val d’Oise. Avis au Front de gauche dont la vocation est de répondre aux espoirs anéantis du peuple de gauche.
29 Mai 2014 at 7:26
Voici un aperçu des principaux enjeux européens que les pouvoirs publics et les grands media auraient dû, en bonne démocratie, mettre en débat dans la société avant l’échéance électorale majeure de dimanche prochain. Chacune et chacun aurait alors pu prendre sa décision en connaissance de cause.
D’abord, faut-il poursuivre ou rompre avec les politiques d’austérité? Pour le Premier Ministre grec, c’est … »une success story »! Pour le peuple et le pays, c’est une chute de 26% des richesses produites (par rapport à 2008); une dette passée de 113 à…175% ! ; un chômage qui a explosé de 7,6% il y a cinq ans à 27,3% (plus du double pour les jeunes); des salaires qui ont baissé de 13,8% en trois ans, sans parler de la dilapidation du patrimoine public et du traumatisme des humiliations subies. Quant à la zone euro dans son ensemble, les politiques d’austérité l’ont plongée dans la déflation et la stagnation durable:non seulement la France est à 0,0% de croissance et l’Italie à -0,1 (or,ensemble,ces deux pays représentent 40% des richesses produites dans la zone euro!), mais des pays réputés « vertueux » comme la Finlande et les Pays-Bas replongent dans la récession (-0,4 % pour le premier; -1,4 % pour le second).
Ensuite, où en sommes-nous de la « régulation »des marchés financiers censée nous garantir contre un nouvel accès de folie des « investisseurs »? « Nous avons maitrisé la finance » nous a assuré, le 5 mai dernier, François Hollande, manifestement aussi fiable sur ce terrain que sur celui de l’inversion de la courbe du chômage. « La finance s’emballe, alors que rien n’est réglé » titrait , à l’inverse, le quotidien économique « Les Echos » une semaine plus tard (12 mai 2014), mettant en garde contre le « retour frénétique » d’ une finance qui « flambe à nouveau » tandis que « les problèmes de fond révélés par la crise n’ont pas été réglés »! Symptomatique de l’extrême « timidité » des mesures prises ou envisagées, la fameuse « taxe Tobin » sur les transactions financières se limiterait à une dizaine de pays, serait ridiculement faible, mais surtout éviterait de toucher les « produits (financiers) dérivés » -spéculations sur les cours futurs d’actions,de devises,de taux…-. Or,ces « produits » ,souvent qualifiés d’ « armes de destruction massive », représentent pour la seule Union européenne la bagatelle de …370 000 milliards de dollars (1), soit 125 fois la production de richesses annuelle de la France ! Problème: notre gouvernement est de ceux qui s’opposent vent debout à la taxation des transactions concernant ces « produits dérivés », sensible qu’il est aux pressions du Medef et de son homologue allemand BDI , pour qui « accroitre leurs coûts porterait un préjudice grave à la compétitivité. »
D’une façon générale, la liste est longue des choix cruciaux à effectuer dans la prochaine période pour faire évoluer l’Union européenne , soit dans une fuite en avant explosive, soit dans un processus de rupture avec ses « fondamentaux » actuels et de reconstruction sur des bases coopératives et solidaires. Quiconque peut en citer maints exemples: les missions de la Banque centrale européenne afin d’orienter l’argent crée vers les opérations financières, ou à l’inverse vers les investissements publics créateurs d’emplois et les services publics; la « concurrence libre et non faussée » ( y compris le « détachement des travailleurs » qui vise à mettre en concurrence les modèles sociaux), ou à l’inverse l’aide à la réduction des écarts de productivité entre pays membres et l’effort d’harmonisation des législations sociales vers le haut;une politique énergétique chaotique (voir l’Allemagne!) ou un programme conséquent de transition écologique et de « décarbonisation » des énergies; la répétition des tragédies insoutenables de l’émigration de survie ou à l’inverse une révision en profondeur des relations (tant économiques qu’humaines) avec nos partenaires du sud; la poursuite des négociations pour un grand marché transatlantique ou à l’inverse l’ambition de porter un modèle – social,écologique, culturel- avancé dans la mondialisation avec tous les alliés qui le souhaitent dans le monde…Et pour tout cela, une centralisation toujours plus poussée des décisions ou à l’inverse une implication résolue des citoyens dans les affaires européennes. Le chantier est ouvert: rendez-vous dimanche prochain!
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(1) Chiffre de la Banque des règlements internationaux.
22 Mai 2014 at 5:20
L’attitude ignoble -et totalement irresponsable- des principaux dirigeants européens vis-à-vis de Chypre aura des conséquences politiques lourdes et durables, non seulement sur l’île elle-même, mais dans toute la zone euro comme dans l’Union européenne en général.
Elle sert, en effet, pour des millions d’ Européennes et d’ Européens, d’incroyable révélateur de la nature profonde de ce qu’est progressivement devenue l’Union européenne.
Tous les efforts déployés par Bruxelles pour accréditer l’image d’une Europe solidaire, fondée sur des « valeurs », régie par une « économie sociale de marché », promotrice des droits de l’homme, attachée à assurer la « cohésion sociale » … sont ruinés par cette expérience concrète vécue en direct dans chaque foyer européen: ils ont osé envisager de spolier tous les petits épargnants d’un pays membre (contrairement aux engagements les plus solennels des autorités de l’UE), puis,devant le refus spectaculaire d’ obtempérer du parlement de Nicosie (0 voix en faveur du plan de la « troïka »!), le président de la Banque centrale européenne est allé jusqu’à menacer d’organiser le blocus financier du pays, faute , pour ce minuscule Etat de 800 000 habitants, d’avoir dégagé 5,8 milliards d’euros (le tiers de la richesse nationale, soit l’équivalent de 700 milliards dans le cas de la France!) dans les quatre jours ! De la folie furieuse. Et cela alors même que les Chypriotes ne sont pour rien dans la crise de leurs banques. C’est l’annulation d’une partie de la dette de l’Etat grec ,dont les banques chypriotes étaient de gros créanciers, qui rend vitale depuis…juin 2012 la recapitalisation de ces établissements financiers pour éviter l’effondrement de toute l’économie du pays.
En fait, le très influent ministre allemand des finances, Wolfgang Schauble, avait « mangé le morceau » dès le mois dernier. Pour expliquer ses interminables tergiversations devant les appels à l’aide de plus en plus pressants des responsables chypriotes, il avait lâché ce terrible aveu: « Il faut vérifier si Chypre constitue un danger pour la zone euro dans son ensemble. C’est l’une des conditions pour que le Mécanisme européen de stabilité (l’instrument de « sauvetage » des pays en grande difficulté financière) puisse être utilisé. » (L’autre condition étant l’application d’un plan d’austérité écrasant, des privatisations massives et une mise sous tutelle du pays.) Autrement dit, puisque Chypre ne « pèse » que 0,2% de la richesse de l’UE, il peut faire banqueroute. Ce n’est pas notre problème. Et ils appellent cela « l’Union »…
Quelle conclusion tirer de ce constat révoltant ? On peut comprendre que des personnes, légitimement exaspérées par tant de cynisme, n’aient qu’une envie: quitter ce « navire pourri » et qui prend l’eau. Ce n’est pourtant pas la solution. En l’ occurrence , si Chypre n’avait pas été dans la zone euro, il aurait dû s’adresser au Fonds monétaire international -autrement dit… à l’un des trois affameurs de la « troïka » (BCE, Commission, FMI). La réponse aurait été exactement la même que celle de Bruxelles et Francfort. Il n’y a, en vérité, aucun raccourci possible: il faut changer l’euro et l’Europe en profondeur ! Cette grande bataille de classe de notre époque comporte à mon sens un triple volet: Refuser (les diktats de ce quarteron d’irresponsables qui se croient les patrons de l’Europe); Rassembler ( sans étroitesse, à gauche, toutes les forces qui aspirent à la rupture avec cette politique désastreuse); Reconstruire (un projet européen, solidaire, démocratique et pacifique avec les peuples voisins).
Voilà l’autre leçon que nombre d’Européens peuvent et doivent tirer de la tragédie chypriote.
28 mars 2013 at 9:37
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