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NON À LA MARCHANDISATION DU SANG !
On en parle depuis des mois, mais, désormais la date fatidique approche : le 31 Janvier prochain, l’Etablissement Français du Sang (EFS) devra arrêter non seulement la production (C’est déjà le cas depuis le 24 octobre dernier), mais la délivrance aux patients du « plasma thérapeutique-SD » (1). On se prépare donc à ouvrir le « marché » d’un produit sanguin à la concurrence des industriels du médicament ! Rappel des faits, de leur dimension européenne et des responsabilités nationales.
« Le sang humain est une ressource rare. Elle permet de soigner plus d’un million de patients par an en France, et ce grâce au geste d’1,7 million de donneurs bénévoles ». Par ces mots, la sénatrice communiste Annie David rappelait fort justement ces données essentielles, le 14 Novembre dernier, dans le cadre du débat parlementaire sur la loi de financement de la Sécurité Sociale 2015. Son intervention concernait précisément l’article de la loi visant à changer le statut du plasma thérapeutique , en ouvrant, par là-même, la voie à sa commercialisation. Pour comprendre l’enjeu de ce changement, quelques précisions sont nécessaires. Le sang humain permet d’obtenir deux catégories de produits à finalité thérapeutique : les produits sanguins dits « labiles » (à durée de conservation très courte) et les médicaments dérivés du sang . Les premiers relèvent du monopole de l’Etablissement Français du Sang (collecte, préparation et distribution). Les seconds relèvent des établissements pharmaceutiques qui répondent aux appels d’offres des hôpitaux. Or, désormais, le plasma-SD est considéré non plus comme un produit sanguin labile mais comme un médicament. C’est en quelque sorte une privatisation du plasma thérapeutique.
Comment en est-on arrivé là ? Un groupe pharmaceutique suisse, Octapharma, pressé de faire des affaires dans les dérivés du sang sur le marché français, a saisi le Conseil d’Etat, la plus haute juridiction administrative en France, pour contester le statut protégé du plasma-SD. Puisqu’un processus industriel (le traitement au Solvant-Détergent) intervient dans la production de ce type de plasma, celui-ci doit être considéré comme un simple médicament -argumenta le capitaliste helvétique (2) .Comme son recours était fondé sur des directives européennes, le Conseil d’Etat français s’est tourné vers la Cour de Justice de l’Union européenne. Celle-ci a répondu (le 13 mars dernier) que , dès lors qu’il est « préparé industriellement », le produit sanguin devenait « médicament ». L’obsession du « marché » et de la « concurrence » a encore frappé !
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(1) Le plasma est l’élément liquide du sang dans lequel baignent les globules rouges et les globules blancs. Le plasma-« SD » est traité au Solvant-Détergent (procédé visant à éliminer virus et autres agents infectieux). Voir notamment Jean-Pierre Basset : « La transfusion sanguine en danger » (Humanité.fr 27/10/2014) ainsi que la pétition syndicale (CGT, CFDT, FO, CGC) de l’EFS (en cours) à Mme Marisol Touraine, Ministre des Affaires sociales et de la Santé.
BRUXELLES, LA CULTURE ET LE BUSINESS
Quand il entend les mots « exception culturelle », M. Barroso sort… de ses gonds.
Il n’a manifestement pas digéré le fait de devoir exclure l’audiovisuel , les biens culturels, y compris dans les conditions nouvelles liées à l’ère numérique , de « ses »négociations avec les États-Unis sur la création d’un « grand marché transatlantique ». On le sait: il s’est permis, avec une arrogance dépassant le seuil du tolérable, de fustiger publiquement cette exigence de plusieurs États membres (à l’initiative de la France ) ainsi que du Parlement européen (à une très large majorité): ne pas traiter les œuvres de l’esprit comme de simples marchandises. À ses yeux, cette demande « fait partie de ce programme anti mondialisation (qu’il) considère comme totalement réactionnaire »! (Entretien dans l’ « International Herald Tribune » 16/6/2013 )
Il n’est pas le seul à avoir ainsi disjoncté à ce propos. Son Commissaire au Commerce, Karel de Gucht, chargé de piloter, au nom des 27 (bientôt 28) États de l’UE, ce bras de fer planétaire , est,lui aussi, complètement sorti de son rôle (qui est de respecter le mandat que lui a confié le Conseil) en affichant la même désinvolture que son « patron ». A l’entendre, l’audiovisuel n’est exclu que « provisoirement » du mandat: « Si les Américains veulent une discussion sur l’audiovisuel , nous l’aurons ! » a ajouté le Commissaire , visiblement furieux d’être bridé dans son élan libre-échangiste et sachant que seul un vote unanime de tous les gouvernements permettrait de concrétiser sa bravade. (« Le Monde » 16/6/2013)
On comprendra mieux où l’exécutif… « européen » tire pareille outrecuidance en apprenant que, quelques jours avant ces sorties intempestives, le Président …américain avait menacé en termes très vifs son homologue français de « représailles massives » si » l’exception culturelle » s’appliquait y compris au numérique -ce qui, au grand dam de ce petit monde, a bien été finalement décidé!
Je rappelle tout cela parce qu’un débat s’est instauré, à gauche, entre ceux qui estiment que toute cette bataille autour de l’ « exception culturelle » n’est en réalité qu’un « leurre » pour faire passer la capitulation du gouvernement français sur tout le reste du projet de marché euro-américain , et ceux qui, à l’inverse, entendent ne pas laisser minimiser le succès arraché (et à consolider) dans le champ culturel grâce aux luttes exemplaires menées de longue date pour atteindre cet objectif. Je me range clairement, pour ma part, aux arguments de ces derniers.
Certes, il est parfaitement juste de ne pas laisser dire que le problème du « grand marché transatlantique » serait réglé grâce à l’exclusion des biens culturels de l’agenda des négociateurs ! C’est le principe même d’un tel méga-marché qui est à proscrire, car c’est une machine à broyer les normes sociales, environnementales, sanitaires un tant soit peu avancées, à détricoter les services publics, à ouvrir les vannes aux « investisseurs » aux appétits insatiables, le tout au service d’une guerre économique exacerbée contre les hyper-concurrents des pays émergents. Mais, plutôt que de ne voir dans l’exclusion des œuvres culturelles de ce marchandage sans pitié qu’une simple bagatelle artificiellement grossie, il vaudrait beaucoup mieux , à partir de cette expérience partielle,mais significative, prendre la mesure des succès possibles, dès lors qu’une mobilisation sur le fond , suffisamment large et de longue haleine est conduite. La réaction de Bruxelles comme de Washington en dit long sur l’importance de l’enjeu. Vingt ans de luttes conséquentes contre la libéralisation de la culture et pour son épanouissement dans une Europe construite sur de nouvelles bases ont permis , une nouvelle fois, de repousser l’assaut des obsédés du tout-marché.
Pareil succès n’est pas un leurre. C’est un tremplin.




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