LA TRIPLE LEÇON D’ILAN HALEVI
18 juillet 2013 at 5:29 Laisser un commentaire
Notre ami Ilan Halevi vient de nous quitter, lui, le décrypteur si éclairant de l’ « Orient compliqué », alors que la région est secouée par d’inextricables bouleversements qui risquent d’émousser des repères essentiels à la compréhension des enjeux. La tragédie syrienne, le fiasco irakien, le jeu pervers des monarchies du Golfe, les espoirs et les craintes liés à la révolution égyptienne, les interrogations sur une possible nouvelle donne en Iran…retiennent toute l’attention internationale. C’est compréhensible et légitime. Pour autant, il serait dangereux de laisser reléguer au second plan le problème palestinien et, par là même, dissiper la responsabilité centrale des dirigeants israéliens dans la déstabilisation du Moyen Orient. Il faut donc s’efforcer de remettre cet enjeu, structurant s’il en est, à la place qui lui revient sur l’agenda international. Les progressistes peuvent y contribuer dans le débat d’idées en cours.
C’est dans cet esprit que je crois pertinent de saluer la mémoire d’Ilan Halevi en rappelant une triple leçon très actuelle que j’ai personnellement retenue de mes rencontres avec ce militant infatigable, qui fut,en même temps, un intellectuel très raffiné.
D’abord, n’analysons jamais le conflit israélo-palestinien en termes religieux, mais politiques, soulignait celui qui se disait à la fois « 100% juif et 100% arabe » ! Le problème à résoudre ne relève ni d’une confession ni d’une « ethnie », mais du droit international: mettre fin à l’occupation et à la colonisation. Tout le reste n’est qu’échappatoire.
Une autre idée sur laquelle insistait celui qui fut,trente ans durant, un conseiller de Yasser Arafat, est la nécessité de reconstituer une unité nationale palestinienne, afin d’organiser des élections légitimes, de « partager démocratiquement le pouvoir » et de constituer un interlocuteur international reconnu. Ce choix stratégique relève naturellement des Palestiniens eux-mêmes. Notons cependant que ce sont les dirigeants américains et européens qui, obéissant aux consignes de Tel Aviv, ont fait capoter en 2006 le seul gouvernement d’unité nationale qui ait pu voir le jour , en refusant de le reconnaitre malgré l’insistance du Président Abbas. Aussi faut-il mettre en garde contre toute reproduction d’une pareille faute si une nouvelle opportunité d’unité nationale palestinienne devait se présenter dans un avenir proche.
Cela nous conduit à une troisième idée chère à Ilan: que l’Union européenne (UE) « rompe avec sa complaisance » à l’égard des dirigeants israéliens tant qu’ils torpillent toute chance de solution juste et durable au conflit.O utre que c’est un devoir élémentaire de l’UE de défendre la stricte légalité internationale (des dizaines de résolutions des Nations Unies sont bafouées par Israël), sa pratique de l’impunité à l’égard de l’occupant des territoires palestiniens voue durablement à l’échec ses propres tentatives répétées de mettre sur pieds une « Union euro-méditerranéenne ».
Une bonne voie à suivre pour relancer le débat et le combat pour les droits du peuple palestinien est de mobiliser l’opinion en faveur de la libération des prisonniers palestiniens en Israël, et particulièrement du plus emblématique d’entre eux, Marwan Barghouti. Ilan Halevi comptait, il y a peu, se rendre à Jérusalem dans ce but. La maladie l’en a empêché. Continuons son engagement!
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