UE-RUSSIE : NI BISES NI SANCTIONS, COOPÉRATION !
3 mai 2018 at 5:39 Laisser un commentaire
Les langues se délient peu à peu à propos de l’impasse et même du danger que représente pour tout le continent la poursuite infinie de la stratégie des « sanctions » de l’Union européenne à l’encontre de la Russie. La semaine dernière, par exemple, Hubert Védrine , ancien Ministre des Affaires Etrangères, ironisait à ce propos sur la diplomatie européenne en s’exclamant : « On ne peut pas avoir pour seule politique russe pour les cinquante prochaines années une surenchère de sanctions » . Il exprima même le souhait que la France, « tout en restant ferme et net par rapport à Poutine », propose « une vision sur la relation à long terme Europe-Russie » (1).
Mais le témoignage le plus percutant sur le sujet depuis longtemps est celui livré le même jour par Jean-Marie Guéhenno , ancien Secrétaire général adjoint des Nations-Unies en charge des opérations de maintien de la paix . Celui-ci n’est , certes, pas tendre avec Vladimir Poutine qu’il s’agit, selon lui, de « persuader que le recours unilatéral à la force est une stratégie à risque » : un conseil qu’il se garde malheureusement de prodiguer ni à Washington ni à l’OTAN ! En porte-parole des Occidentaux, il les appelle à « se faire respecter de la Russie », y compris sur le plan militaire -un terrain glissant sur lequel nous ne le suivrons pas, même s’il tempère aussitôt son propos en insistant sur le fait que « la fermeté » vis-à-vis de Moscou doit s’exercer « sans fermer la porte à une relation plus apaisée ».
On ne peut , en revanche, qu’être frappé par les termes extrêmement forts avec lesquels le diplomate fustige la logique des sanctions : « leur accumulation conduit à l’exclusion progressive de la Russie des circuits de l’économie globale , qui, poussée à bout, serait désastreuse pour tous (…) Aujourd’hui, une Russie autarcique glisserait presque inévitablement vers l’ultranationalisme . L’enjeu est donc lourd », alerte-t-il. Et ce d’autant que les traités qui encadraient, naguère, la relation stratégique Est-Ouest n’existent plus vraiment. Désormais, les « puissances globales » sont impliquées dans des conflits locaux ou régionaux qui risquent de les entraîner dans des engrenages qu’elles ne contrôlent pas : « C’est une configuration qui ressemble aux années qui précédèrent la guerre de 1914 -n’hésite pas à rappeler Guéhenno !- la restauration de règles encadrant la relation avec la Russie devrait donc être la priorité » (2).
Nous ne disons pas autre chose en appelant de nos voeux depuis plusieurs années la mise en chantier , tant au niveau des gouvernements qu’au sein de nos sociétés elles-mêmes, d’un processus de dialogues débouchant sur un traité paneuropéen de sécurité collective et de coopération : une sorte de Conférence d’Helsinki (1975) revisitée et enrichie . Loin de la séquence croquignolesque de l’échange de bises entre le Chef de l’Etat français et le Président des Etats-Unis, il est plus qu’urgent de se hisser à la hauteur des nouveaux enjeux de la guerre ou de la paix en Europe. Entre l’Union européenne et la Russie : ni bises ni sanctions, coopération !
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(1) « Le Figaro » (26/4/2018)
(2) « Le Monde » (26/4/2018)
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