LA FAUTE À L’ « EUROPE » OU A L’ ÉTAT ? : L’EXEMPLE DE L’HYDROÉLECTRICITÉ
11 janvier 2019 at 1:13 Laisser un commentaire
La France va-t-elle ouvrir les concessions des barrages hydroélectriques à la concurrence ? Cette menace plane depuis des années sur l’avenir d’un secteur stratégique de notre économie. Et elle est à prendre très au sérieux. Mieux vaut donc savoir d’où vient exactement cette menace afin de voir comment agir pour la conjurer. Rappelons les explications généralement fournies à ce propos : « l’Europe » exige cette ouverture à la concurrence; la France a promis d’obtempérer à ses injonctions mais a tardé à s’exécuter ; « Bruxelles » lui a donc adressé, en 2015, une « mise en demeure ». Désormais, il ne resterait à Édouard Philippe qu’à s’incliner au plus vite. D’ailleurs, c’est ce qu’il a laissé entendre l’an dernier.
Comme toujours, il y a, dans cette version simplifiée des faits, une part de vérité. Mais une part seulement. Certains s’en contentent, comme ce responsable de la France insoumise : « La Commission tente depuis une dizaine d’années de privatiser les barrages français. En 2015, elle a mis en demeure le gouvernement d’agir. En janvier 2018, le gouvernement d’Emmanuel Macron s’engage à répondre à ses attentes. » (1) C’est si confortable que chaque chose soit à la place qu’on lui a assignée ! L’Europe nous ligote, il faut donc lui « désobéir » ou en « sortir ». Pourtant, quand on se donne la peine d’écouter ce qu’en disent les premiers concernés, on apprend à affiner son jugement, et, partant, la stratégie à mettre en œuvre . C’est ainsi que l’animateur du collectif hydraulique de la CGT, Dominique Pani, apporte cette précision de taille : « En tant que syndicat, nous sommes allés rencontrer la Commissaire européenne, qui nous a expliqué qu’elle avait rappelé la France à ses propres engagements mais que CETTE MISE EN CONCURRENCE N’AVAIT RIEN D’OBLIGATOIRE. Si l’énergie était une prérogative européenne, les nombreuses fonctions réalisées par une centrale hydraulique, notamment dans la gestion des eaux, font qu’elle peut être rattachée aux « services d’intérêt général » qui ne sont pas soumis à la concurrence. » (2) C’est donc Paris qui, dans le cadre d’un inavouable « donnant-donnant », avait bradé, en son temps, un patrimoine public essentiel, à une Commission qui, en l’occurrence, n’en demandait pas tant !
Souligner cela n’enlève naturellement rien à l’exigence de contrer en permanence tous les vecteurs de l’Europe libérale, Commission en tête ! Mais à ne se laisser obnubiler que par elle, on en arrive trop souvent à sous-estimer gravement la part de responsabilité directe d’un État comme le nôtre dans la gestion de l’actuelle UE. En l’occurence, c’est, au nom-même des règles rappelées par la Commissaire au syndicaliste, qu’il nous faut arrêter le bras des bradeurs bien français d’un bien public comme nos centrales hydrauliques, qui, rappelons-le, représentent 61 % de la production d’électricité d’origine renouvelable en France -qu’elles sont, en outre, seules à pouvoir réguler en fonction des besoins- sans parler de l’utilisation des réservoirs d’eau qui leur sont associés pour l’agriculture, l’industrie ou l’alimentation des populations en eau potable. Une expérience qui doit faire réfléchir.
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(1) Gabriel Amard (Gabrielamard.eu-4/9/2018)
(2) Entretien avec Angélique Schaller (La Marseillaise 8/4/2018)
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