L’AMITIÉ FRANCO-ALLEMANDE MÉRITE MIEUX QUE CELA
31 janvier 2019 at 10:48 Laisser un commentaire
Il y eu l’acte historique de De Gaulle proposant -avec l’autorité acquise durant la Résistance- à la République fédérale d’Allemagne de conclure, en 1963, un traité de coopération , symbole de réconciliation , poussant à l’apprentissage mutuel de la langue de l’ancien ennemi et créant l’Office franco-allemand de la Jeunesse. Il y a eu, vingt ans plus tard, l’hommage commun de François Mitterand et d’Helmut Kohl aux victimes de la Première guerre mondiale, à Verdun. On garde également à l’esprit les cérémonies du 60ème anniversaire du Débarquement, le 6 juin 2004, auxquelles Jacques Chirac invita Gerhard Schroeder. Pas évident, en revanche, que l’Histoire retienne le nouveau traité franco-allemand co-signé par Emmanuel Macron et Angela Merkel à Aix-la-Chapelle !
Certes, en ces temps où prolifèrent les nationalismes jusqu’au sommet de certains Etats de l’Union européenne; où l’extrême-droite se banalise dans toute l’Europe, Allemagne et France incluses ; où se colportent les messages de haine et les provocations xénophobes, on ne boudera aucun geste de rapprochement entre nos deux pays, à plus forte raison aucune initiative en faveur de l’amitié entre nos deux peuples. J’ai, personnellement grandi trop près du Rhin pour minimiser la portée du changement que représente le passage de l’ère des affrontements à celle de l’entente entre ces deux voisins.
C’est précisément en raison de cet attachement à l’amitié franco-allemande que l’on ne peut que regretter un double défaut du traité que viennent de signer le Président de la République française et la Chancelière allemande. D’abord, l’inclusion dans ce texte de clauses susceptibles de susciter l’inquiétude sinon la colère d’une partie de celles et de ceux que le traité devrait avoir pour vocation de rassembler. Que viennent faire, en effet, dans un document de cette nature, la promotion, en 2019, de « la convergence économique, fiscale et sociale » entre les deux pays -alors même que le « modèle social » CDU-SPD n’est pas vraiment celui que réclame avec force le pays en ce moment…- ; ou bien l’annonce de la création d’une « zone économique franco-allemande dotée de règles communes » dont on devine aisément l’inspiration dans le contexte actuel; ou encore le projet de coordination des deux politiques économiques afin « d’améliorer (leur) compétitivité »; sans parler de la mise en place …d’un « Conseil franco-allemand d’experts économiques » (neutres, évidemment) chargé de « présenter aux deux gouvernements des recommandations sur leur action économique » ? Chacun sait l’insistance que met, depuis son élection, le Président français à justifier son « agenda de réformes » et notamment sa politique sociale restrictive par la nécessité de « gagner la confiance d’Angela Merkel ». Difficile de ne pas voir dans ce type d’articles au cœur d’un « traité d’amitié » un gage d’orthodoxie libérale à l’égard des dirigeants de Berlin ! L’autre défaut majeur de ce traité censé consolider la paix est l’accent mis sur la coopération en matière de « forces armées », de « déploiements conjoints », d’ « industries de la défense » ou d’ « exportation d’armements », non sans une triple référence au « traité de l’Atlantique-Nord », autrement dit à l’OTAN. Décidément, l’amitié franco-allemande vaut mieux que cela.
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