POUR « L’HUMANITÉ » , PARCE QU’ELLE EST UNIQUE
7 février 2019 at 9:55 Laisser un commentaire
Jeune étudiant en philo, à la veille des « événements » de 1968, sympathisant communiste plein de bonne volonté mais davantage imprégné de l’air du temps que de culture politique, je me vois encore devisant avec mon voisin d’amphi sur un journal dont je ne connaissais, pour ainsi dire, que le nom : « l’Humanité ». Mon camarade ne semblait guère mieux informé que moi : « Il paraît qu’il est illisible » s’était-il tout juste hasardé. Il en avait dit trop ou pas assez. Nous voilà donc partis à la recherche d’un quotidien apparemment sans intérêt, pour en avoir le cœur net. Avec l’ardeur de néophytes , nous l’avons ausculté avec soin, page par page, pour conclure de concert que, ma foi, c’est pas si mal que ça, et même pas mal du tout. C’est ainsi que « l’Huma » fit son entrée dans mon petit monde. Qu’elle a durablement contribué à façonner.
Depuis bien longtemps, mes activités me conduisent à lire régulièrement de nombreux titres, qui m’apprennent souvent bien des choses, mais aucun d’entre eux, à mes yeux, ne peut remplacer l’ Huma. D’abord parce que « le journal de Jaurès » devenu celui des communistes est aujourd’hui le seul en France à se réclamer franchement de la gauche, du « peuple de gauche », des valeurs de gauche. À ce titre, il nous permet de disposer d’informations et d’analyses précieuses à qui veut exercer son esprit critique dans le contexte d’une impitoyable bataille d’idées. Mais, pour beaucoup d’entre nous, il y a plus : l' »Humanité » est unique dans sa capacité à faire vivre au concret et dans la durée une « certaine idée » de la société et du monde.
Quel autre journal nous aurait permis de vivre, 1336 jours durant, au côté de ses acteurs qui nous sont peu à peu devenus familiers, le conflit emblématique des « Fralib », jusqu’au succès final ? Nous avons eu droit à bien plus que des informations utiles : une véritable leçon de choses en matière de refus du fatalisme, de créativité dans les formes de lutte et du poids de la solidarité. De même , qui a oublié l’expérience exemplaire de démocratie citoyenne qu’a représentée la campagne pour le « non de gauche » au projet de traité constitutionnel européen , irriguée de bout en bout par les révélations et les arguments de « l’Humanité », de septembre 2003 à mai 2005 ! Ou encore, mesure-t-on bien ce que doit aux campagnes de solidarité légendaires relayées et stimulées par « l’Humanité » l’émergence, tour à tour, dans notre pays, d’une « génération Vietnam » ou d’une « génération Mandela », pour ne citer que celles qui ont précipité puis enraciné mon propre engagement ? Mais servir une cause suppose de ne pas la célébrer quand elle rayonne pour l’oublier quand elle traverse une passe difficile. C’est aussi à cela qu’on reconnaît l’éthique de « l’Humanité », par exemple quand elle traite sans relâche des succès comme des revers du peuple palestinien ou du peuple kurde dans leur long et difficile combat pour leurs droits fondamentaux, ou qu’elle ne dévie pas de sa ligne solidaire avec les migrants, même lorsque son message se heurte à des incompréhensions. Pareillement quand elle s’en tient indéfectiblement au parti-pris de l’amitié entre les peuples et de la paix quand des vents mauvais soufflent dans le sens du nationalisme et des aventures guerrières. Telle est notre « Humanité » : continuons à lui permettre de mériter son titre auprès du plus large public possible.
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