« LES ERREURS DES OCCIDENTAUX » SELON MACRON
26 septembre 2019 at 6:14 Laisser un commentaire
« Les choses changent. Et elles sont profondément bousculées par les erreurs des Occidentaux dans certaines crises ». L’auteur de ce qui ressemble à une amorce d’autocritique collective en matière de politique internationale n’est autre que le Président de la République lui-même (1). S’exclut-il de ces « Occidentaux » fourvoyés ? Apparemment non : « Nous avons sans doute longtemps sous-estimé l’impact de nouvelles puissances », reconnaît-il. « Regardons l’Inde, la Russie et la Chine (…) Elles pensent le monde avec une vraie logique, une vraie philosophie, un imaginaire que nous avons un peu perdu. Et donc, tout ça vient nous bousculer très profondément et rebattre les cartes (…) Les habitudes et données qui étaient les nôtres ne sont plus valables ».
Cet éclair de lucidité a, « a priori », de quoi nous réjouir ! Nous sommes, en effet, quelques uns à souligner de longue date l’urgence à dépasser l’occidentalo-centrisme et à faire nôtre l’injonction salutaire d’un Bertrand Badie : « Nous ne sommes plus seuls au monde » ! (2) Ceux qui contestent la vision occidentale traditionnelle de l’ordre international ne sont pas nécessairement des barbares à combattre ni même des égarés à remettre dans le droit chemin ! En tout cas, face à nombre d’enjeux, nous sommes dans le même bateau.
Dès lors, quelles conclusions stratégiques Emmanuel Macron tire-t-il de son légitime sinon courageux constat ? Certains projets présidentiels suscitent l’intérêt. C’est le cas -nous l’évoquions ici-même la semaine dernière- de la volonté affichée par Emmanuel Macron de « repenser très profondément nos liens avec la Russie ». Non pour acquiescer à la politique de ses dirigeants, mais pour nous libérer d’une « tension profondément stérile » et nous permettre de « faire quelque chose d’utile » avec ce voisin incontournable. A suivre, donc.
En revanche, deux mots caractérisent la plupart des autres perspectives qu’il dessine : au mieux, l’ambiguïté ; au pire, le pur effet d’annonce. Qu’entend-il au juste par « refonder profondément la civilisation européenne »? Comment définit-il le « véritable humanisme » qui aurait, selon lui, « toujours caractérisé l’Europe », et avec lequel il nous invite à renouer ? Inclut-il le respect de la dignité des réfugiés, par exemple ? Ou le refus de vendre des armes à un État guerrier ? Et que signifie concrètement « repenser très profondément les équilibres de l’économie de marché » ? La question est d’autant plus pertinente qu’il paraît que « nous avons commencé à le faire »…
On retiendra enfin un propos franchement inquiétant sur « l’attractivité de notre armée »; « en passe de devenir de manière indiscutable la première armée européenne », car « aujourd’hui, en Europe, personne n’a cette vitalité » ! « L’humanisme » de Macron a ses raisons que la raison ne connaît pas.
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(1) Discours à la Conférence des ambassadeurs et ambassadrices (27/8/2019). Toutes les citations qui suivent sont tirées de ce même texte.
(2) Titre d’un livre de Bertrand Badie, éminent spécialiste des relations internationales.
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