PORTÉE, TARES ET CONTRADICTION DE L’ACCORD EUROPÉEN
31 juillet 2020 at 9:00 Laisser un commentaire

Que penser du plan de relance européen de 750 milliards d’euros adopté le 21 juillet dernier par les « 27 » ?
D’un côté, de mon point de vue, la portée politique de l’accord mérite attention. Un emprunt commun de cette envergure à un taux proche de zéro (et remboursable sur 30 ans à partir de 2028), c’est non seulement sans précédent, mais contraire aux règles des traités, ce qui prouve une fois de plus que ce qui compte avant tout est la volonté politique et non la norme juridique. Par ailleurs, l’octroi de subventions aux pays les plus touchés par les conséquences ravageuses de la crise du Covid-19, serait -si tout se passait comme promis- un réel acte de solidarité budgétaire : une perspective hier encore impensable dans cette « Europe du chacun pour soi » que nous dénoncions avec raison jusqu’à ces dernières semaines. Le revirement de l’Allemagne à cet égard -même s’il est dicté par son intérêt bien compris d’éviter un écroulement économique de ses principaux clients- constitue un fait tout sauf négligeable. Enfin, l’accueil enthousiaste de ces mesures, y compris à gauche, dans les pays du Sud de l’Europe (cf Podemos en Espagne) est un fait politique marquant. Problème : à ce stade, cette solidarité tant attendue est loin d’être garantie dans les faits !
Le prix payé pour « acheter » l’unanimité d’une UE profondément fracturée est, en effet, très lourd ! L’une des dangereuses tares de l’accord qui résultent de ce compromis boiteux est le maintien (pour l’Allemagne) et même le renforcement (pour l’Autriche, les Pays-Bas, le Danemark et la Suède) des « rabais » sur leur contribution au budget de l’UE. Il s’agit là non seulement d’une dépense inique de plus de 50 milliards d’euros à la charge d’autres pays (dont la France), mais d’un encouragement au chantage « thatchérien » au véto sur toute décision budgétaire à venir. Une autre tare à combattre (Le Parlement européen s’est d’ailleurs engagé à s’y opposer) est précisément le rabotage scandaleux opéré (sous la pression des mêmes États) dans le budget 2021-2027 (adopté en même temps que le plan de relance) dans des dépenses aussi cruciales que ceux de la santé, de la recherche, des bourses Erasmus pour les jeunes, de la politique d’asile et même de l’aide à la transition écologique ! Quant au financement des 390 milliards de subventions, il dépend de l’instauration de taxes européennes (comme celle sur les géants du numérique -les GAFAM notamment- ou celle sur les transactions financières) dont la concrétisation est à ce jour au point zéro .
Et maintenant ? Critiquer ne suffit pas, il faut agir. Un champ de convergences s’ouvre, en effet, entre toutes celles et tous ceux qui sont conscients que l’UE est face à une contradiction explosive. En créant une immense attente dans les pays du Sud de l’Europe, elle s’est imposée, de fait, une obligation de résultats : selon que les citoyens constateront qu’un nouveau cours est engagé ou, au contraire, que rien n’a changé dans les faits, sonnera l’heure d’une relance de « l’Europe » ou celle de sa désintégration. Tel est le grand défi de la période qui s’ouvre.
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