UE-CHINE : L’AFFAIRE DE LA « 5G »
23 juillet 2020 at 7:44 Laisser un commentaire

Que le passage prochain à la cinquième génération de réseau de télécommunication (« 5G ») -et le maillage d’antennes-relais qui en résulte- suscitent des controverses n’a, en soi, rien d’anormal. Les enjeux de cette révolution technologique sont assurément considérables. Ne prévoit-on pas que d’ici dix ans, la 5G relie 500 milliards d’objets connectés dans le monde ? Ce phénomène concerne chaque citoyen ainsi que de nombreuses filières, telles la robotique, la future voiture autonome, voire la téléchirurgie, etc… La croissance exponentielle des données et l’hyper-connectivité des sociétés futures posent des problèmes sociaux et sociétaux, économiques et écologiques, et, naturellement, de sécurité et de souveraineté. Il n’y a, à cet égard, rien à redire à la volonté exprimée par la Commission européenne de prévenir par des règles strictes les risques inhérents à une mutation de cette ampleur, depuis celui de la protection des données personnelles ou stratégiques jusqu’à celui de la dépendance d’un seul équipementier. Et ce d’autant plus qu’il n’y en a guère que trois qui comptent réellement, à ce jour, pour les opérateurs européens : le finlandais Nokia, le suédois Ericsson et…le chinois Huawei, leader mondial en la matière (dont SFR et Bouygues-Télécom utilisent déjà les infrastructures). Un consensus européen semblait s’établir : réguler plus, oui; bannir Huawei, non.
Le problème est venu de Washington : qui dit « leadership chinois » dit contre-offensive Trump. Celui-ci a donc non seulement interdit toute vente de matériel chinois de télécommunication aux Etats-Unis et toute exportation d’équipements américains en la matière vers la Chine. Il a, dans le même temps, exercé sur ses « alliés » européens des pressions inouïes -y compris sonnantes et trébuchantes- pour qu’ils fassent de même, arguant de soupçons d’espionnage à grande échelle de la part de Huawei au profit de Pékin. En vain, dans un premier temps. Même le très obséquieux Boris Johnson refusa en janvier dernier de suivre son maître à penser, quitte à s’attirer les foudres de son protecteur. Or, voilà que , peu à peu, le ton se durcit en Europe -à l’exception, pour le moment, de la Chancelière allemande- à l’égard de la firme chinoise. À Londres, un lobby de 60 députés conservateurs dévoués à Washington a fini par faire basculer Boris Johnson. Hypocritement, Paris dit refuser le « bannissement total » de Huawei, mais n’accordera aux opérateurs utilisant les équipements chinois qu’une autorisation d’une durée de trois à huit ans, rendant l’amortissement des investissements quasi-impossible. « Question de souveraineté européenne » dit-on. Vraiment ? Est-on si sûr de la stratégie future de Nokia ? Rappelons qu’après avoir racheté Alcatel en 2015 et touché du gouvernement français de quoi payer 1000 ingénieurs pendant trois ans et demi, ce « Champion européen » (dixit Macron) vient d’annoncer la suppression de 1233 emplois en France , principalement dans la recherche et le développement « pour atteindre un niveau de rentabilité durable » ! Quant à Ericsson, il a été condamné à 1 milliard de dollars aux Etats-Unis, l’an dernier, pour avoir mis en place entre 2000 et 2016 un système de caisses noires destinées à décrocher des contrats grâce à des pots de vins ! Souveraineté européenne ? Non. Simple reculade face au chantage américain.
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