ÉCHANGE VGE-WURTZ. SUR LE « TRAITÉ GISCARD »
10 décembre 2020 at 12:00 Laisser un commentaire

La disparition de Valéry Giscard d’Estaing a été l’occasion de nombreux rappels historiques. Permettez-moi d’en ajouter un : celui de la séance du 3 septembre 2003 au Parlement européen. Ce jour-là, l’ancien Chef de l’Etat était venu présenter le projet de traité constitutionnel européen , élaboré par la Convention dont il avait conduit les travaux. Dans le débat qui s’est ensuivi , le président du groupe de la « Gauche unitaire européenne » que j’étais fit entendre l’une des rares voix critiques sur ce texte emblématique dans lequel VGE avait, modestement, dit voir « du Montesquieu pour l’Europe du 21ème siècle ». Voici un aperçu de cette intervention, ainsi que des extraits de la réponse de M. Giscard d’Estaing. Cet échange s’est déroulé près de deux ans avant l’expression spectaculaire du « NON de gauche » au « Traité Giscard » (29/5/2005). (1)
FW : « Je vais poser une question préalable : Une constitution (…) peut fixer un certain nombre de valeurs de référence et de droits fondamentaux. En aucun cas, elle ne peut prétendre brider pour 30 à 50 ans -puisque telle est la longévité (que vous promettez) à ce texte- la liberté des peuples de choisir souverainement leur modèle de société. La démocratie, c’est le choix. Or, nous avons sous les yeux, outre une réforme du système institutionnel, la constitutionnalisation du modèle de l’Europe libérale. Ainsi, nous apprenons que « l’Union offre à ses citoyens un marché unique où la concurrence est libre et non faussée ». Par la suite, à quatre reprises, revient le leitmotiv libéral de « l’économie de marché ouverte où la concurrence est libre ». Mais c’est précisément contre cette obsession de la concurrence à tout va, contre cette tendance à vouloir ramener toute la vie sociale au rang de marchandise, que s’élève un nombre croissant de nos concitoyens ! »
VGE : « Mais nous ajoutons, dans les objectifs de l’Union : « Une économie sociale de marché, hautement compétitive, visant le plein emploi et le progrès social ! » Nous prévoyons que l’Union « combat l’exclusion sociale, les discriminations », qu’elle « promeut l’égalité entre femmes et hommes (…) et la protection du droit des enfants ! » Donc, à côté de la liberté économique (…), la Constitution décrit avec soin des objectifs sociaux ! »
FW : « Circonstance aggravante : l’essentiel des dispositions érigeant ainsi l’Europe libérale en modèle intouchable figure dans la troisième partie du texte (dont les) 340 articles (…) n’ont fait l’objet d’aucune discussion au sein de la Convention durant les 16 mois de travaux (…) La plupart des éditions de la Constitution en circulation (les) ignorent purement et simplement . C’est, en quelque sorte, la face cachée de (votre) projet ! »
VGE : « Ce sont des articles des traités (…) nous n’avions pas mandat pour les modifier ».
FW : « Profondément convaincu qu’il y a, de nos jours comme jamais, un besoin d’Europe pour espérer transformer le monde, j’estime qu’il serait très dommageable de pousser ainsi nombre d’anti-libéraux à devenir anti-européens ». C’était il y a 17 ans…Sans commentaire.
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(1) Les extraits qui suivent sont tirés d’une seule intervention de ma part suivie d’une seule réponse de M. Giscard d’Estaing. Ils sont présentés ici séparément pour la clarté des arguments exposés.
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