« ET SI LE MONDE OCCIDENTAL APPRENAIT LA MODESTIE ? »
17 décembre 2020 at 2:52 Laisser un commentaire

Le monde est loin d’en avoir fini avec la crise sanitaire. Et nous sommes loin d’en avoir tiré tous les enseignements. Voilà pourquoi, à l’heure du bilan de cette année douloureusement atypique, il n’est pas déraisonnable de prendre un peu de recul sur l’agitation du quotidien. C’est ce que nous permet la lecture du dernier ouvrage de Pascal Boniface sur « ce que nous révèle la crise du coronavirus » (1).
D’une lecture facile, ce livre, très documenté, a le grand mérite de replacer la pandémie dans son contexte historique, car, explique d’emblée le directeur de l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS), « La crise déclenchée par le virus n’a pas créé de tendances qui n’existaient pas, qu’il s’agisse de la compétition entre la Chine et les Etats-Unis, de la crise du multilatéralisme, des interrogations européennes ou des limites de la mondialisation. Mais elle en a changé profondément les termes. Elle a accentué, amplifié, exacerbé tant leur réalité que leur perception ».
Chacun de ces enjeux est décortiqué sans œillères -ce qui n’est pas le moindre intérêt du livre. Ainsi, si la Chine n’échappe pas aux critiques légitimes, tant sur la gestion de la crise à ses débuts qu’en ce qui concerne les ombres de la politique de XI Jinping en général , l’auteur souligne sans détours les succès époustouflants du grand rival stratégique des Etats-Unis. Même démarche à propos de l’Union européenne : l’auteur aborde avec franchise l’épisode affligeant de l’abandon de l’Italie au début de l’épidémie. Il revient, en particulier, sur l’égocentrisme financier de la classe dirigeante allemande. Mais il développe une analyse tout aussi juste -à mes yeux- du revirement sans précédent de Berlin, quelques semaines plus tard, sur la mutualisation du grand emprunt pour financer le « Plan de relance européen » de 750 milliards d’euros . Très appréciable est également, par ailleurs, le rappel de quelques vérités, un peu vite oubliées, sur l’Organisation mondiale de la santé (OMS).
Mais ce sont les passages appelant avec éloquence les dirigeants occidentaux à ouvrir les yeux sur les réalités du monde qui méritent sans doute une attention particulière. « Et si le monde occidental apprenait la modestie ? » : que voilà une interpellation pertinente ! Et l’auteur de rappeler le sort de la majorité des citoyens dans cette Amérique great again : deux-tiers de ses habitants « ne peuvent faire face à une dépense imprévue de 500 dollars. C’est le coût, dans ce pays, d’un test de détection du Covid-19, qui n’est pas remboursé » ! Précision du Dr Fauci, responsable de la cellule de crise de la Maison Blanche -publiquement vilipendé par Donald Trump : « Le diabète, l’hypertension, l’obésité et l’asthme affectent de manière disproportionnée les populations minoritaires, en particulier les Afro-Américains ». Les « élites » occidentales -européennes comprises- continuent pourtant d’arborer leurs « valeurs » comme la marque de leur supériorité sur le reste du monde. Concluons avec le journaliste François Bonnet : « Le Covid-19 vient de leur rappeler que leur négligence ou leur hostilité à un multilatéralisme efficace a aujourd’hui un coût politique et sanitaire » (2). Stimulant.
———-(1) Pascal Boniface : « Géopolitique du Covid-19 – Ce que nous révèle la crise du coronavirus » Editions Eyrolles (13,90 €)(2) Médiapart, 16/4/2020 (cité dans le livre ci-dessus).
Entry filed under: Francis Wurtz.
Trackback this post | Subscribe to the comments via RSS Feed