CRISE EN IRLANDE DU NORD, « DERNIER BASTION DE L’EMPIRE »
18 juin 2021 at 5:58 Laisser un commentaire
Mais quel est donc le cas de force majeure qui justifierait que Boris Johnson invoque « l’article 16 » de l’accord Brexit -article qui lui permettrait en cas de « graves difficultés économiques, sociétales ou environnementales », de ne pas appliquer le « Protocole nord-irlandais » ? Rappelons que ce texte -signé par Boris Johnson avec Bruxelles en 2019- impose des contrôles douaniers européens pour les produits, notamment agricoles et alimentaires, circulant entre l’Angleterre et l’Irlande du Nord. Cette mesure est la conséquence logique du Brexit dans une Irlande divisée entre la province du Nord (partie intégrante du « Royaume uni ») et le reste de l’Irlande (membre de l’UE). Sauf à rétablir une frontière dure entre ces deux entités -ce qui annulerait le traité de paix crucial signé il y a 23 ans- , les marchandises britanniques entrant en Irlande du Nord circulent ensuite librement sur toute l’île, donc aussi dans le marché unique européen. D’où la nécessité, depuis le Brexit, d’effectuer les contrôles avant l’entrée des marchandises en Irlande du Nord.
Problème : ce « Protocole » est un crime de lèse majesté aux yeux des forces les plus rétrogrades du Royaume -les « loyalistes » ou « unionistes » d’Irlande du Nord- …qui soutiennent la majorité conservatrice au pouvoir à Londres. Petit rappel à leur propos. L’Irlande a acquis son indépendance en 1922. Toute l’Irlande ? Non : la majorité protestante de deux comtés du Nord-Est de l’île a exigé son rattachement à la Grande-Bretagne. Elle a obtenu à cette fin, un an avant l’indépendance du pays, la création d’une entité propre : l’Irlande du Nord. Un siècle plus tard, ces nostalgiques de temps révolus célèbrent toujours en grande pompe la victoire du protestant Guillaume d’Orange sur le roi catholique Jacques II, à la bataille de Boyne, en juillet 1690 ! Leurs tristement célèbres marches, sectaires et triomphalistes, destinées à provoquer les républicains, favorables à la réunification de l’île, culminent traditionnellement le 12 juillet, date de la « Victoire » la plus emblématique des « protestants » sur les « catholiques » il y a plus de trois siècles ! On croit rêver .
Le problème est que cette droite dure ne se contente pas de défiler, elle menace aujourd’hui de rallumer la mèche des « Troubles », cette sanglante guerre civile de trente ans entre les deux communautés de la province qui a pris fin en 1998 grâce aux accords dits du « Vendredi saint ». Les émeutes d’avril dernier, annonce-t-elle, pourraient se répéter voire s’amplifier à l’approche du mythique 12 juillet, si les « loyalistes » n’obtiennent pas satisfaction : à savoir la remise en cause du « Protocole » maudit, accusé de faire le jeu des républicains. Ils s’accrochent d’autant plus fiévreusement à la couronne britannique qu’il sentent approcher le début de la fin de cette survivance anachronique de ce que les républicains tiennent non sans raison pour « le dernier bastion de l’Empire » (Pr Considère-Charon). Les sondages n’annoncent-ils pas que le ou la prochain.e No1 de l’exécutif de la province viendrait des rangs de nos amis du Sinn Fein, en mai 2022 ?! Raison de plus pour ne pas céder à la bataille d’arrière-garde de Boris Johnson.
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