EUROPE : POUR UNE CRITIQUE RAISONNÉE ET CONSTRUCTIVE
13 janvier 2022 at 6:41 Laisser un commentaire
« Présidence française » oblige : nous entendrons beaucoup parler d’Europe d’ici l’été prochain. Emmanuel Macron -en campagne- en fera l’un de ses thèmes de prédilection. Il magnifiera chaque mesure inscrite à l’agenda des « 27 » et fera des discours enflammés sur sa vision d’une « Europe de l’équité sociale », « qui protège », « modèle de développement durable » et, qui plus est, « souveraine ». Ce faisant, il suscitera de l’agacement légitime parmi celles et ceux qui ont de l’ Europe « réellement existante » une tout autre expérience, faite de « discipline budgétaire « , d’ouverture des services publics à la concurrence , de compétition fiscale et sociale, d’allégeance à Washington …
Dès lors, la tentation sera grande de riposter à l’excès d’apologie de l’Europe de la part du chef de l’Etat par un rejet en bloc de toutes les propositions européennes évoquées par le Président-candidat. Ce serait prendre le risque de passer d’une caricature à une autre et de ne pas se faire comprendre d’une majorité de nos concitoyennes et concitoyens. En effet, comme vient de le confirmer une enquête d’opinion : si, globalement, l’UE divise toujours autant les Français, certains projets concrets européens -dont Emmanuel Macron n’hésite pas à s’attribuer la paternité- recueillent un soutien massif (autour de 80% !) des personnes interrogées (1) . Et pour cause : si l’Union européenne reste, aujourd’hui comme hier, néolibérale et autoritaire, elle a été néanmoins conduite, sous la pression des événements, à prendre certaines mesures , sans doute insuffisantes et non exemptes de contradictions, mais allant dans le bon sens pour peu qu’elles ne soient pas dévoyées en cours de route.
C’est, par exemple, le cas de différentes dispositions -sans précédent- du Plan de relance européen, ou bien du « Pacte vert », ou encore des projets de régulation des géants du secteur numérique et de leur taxation. C’est aussi le cas du projet de salaire minimum européen (même s’il ne faut pas en attendre qu’il mette fin au dumping social en Europe !) ou des mesures visant à encourager la constitution de filières industrielles européennes dans des secteurs d’avenir…Les « 27 » ont manifestement réagi à la crise de défiance des citoyennes et des citoyens européens qui mettaient en péril l’existence même de l’UE; ils ont été échaudés par le « Brexit », ébranlés par les divisions internes entre Etats membres, effrayés par les effets de l’accélération des dérèglements climatiques, sidérés par la déstabilisation due à la crise sanitaire. Ils n’ont pas changé sur le fond, mais ils ont lâché du lest. L’ignorer, c’est en laisser le bénéfice à Emmanuel Macron. Souligner ces avancées en en relevant et les potentialités et les limites -voire, le cas échéant, leurs vices cachés- renforce, à l’inverse, la lutte pour des transformations plus profondes de l’UE. Bref, la situation se prête non aux jugements expéditifs et à l’emporte-pièce, mais à la critique raisonnée et constructive de l’Union européenne.
——–(1) Régulation des GAFAM; taxation des produits importés trop polluants; salaire minimum européen…(Sondage Elabe pour « Les Echos » – 6/1/2022)
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