CÉRÉALES D’UKRAINE : GARE À QUI TORPILLERAIT CET ACCORD MAJEUR !
28 juillet 2022 at 3:02 1 commentaire
Depuis plusieurs mois, les Nations unies sonnaient l’alarme : faute d’un déblocage rapide des exportations de céréales d’Ukraine et de Russie (40% des exportations mondiales de blé !) , le monde risque de connaître une crise alimentaire exceptionnellement sévère, voire « un ouragan de famine » dans les pays les plus dépendants de ces livraisons, en particulier en Afrique. Certes, la tragédie de la faim n’a pas commencé avec le conflit russo-ukrainien : rappelons que plus de 800 millions de personnes (près du double de la population de l’Union européenne) souffrent de malnutrition ! Ce fléau augmente même régulièrement depuis six ans, du fait qu’aux guerres, à la spéculation et à d’autres causes structurelles s’ajoute désormais de plus en plus le dérèglement climatique . Mais, en plus des terribles conséquences de cette nouvelle guerre en elle-même , la retenue de quelque 20 à 25 millions de tonnes de céréales (voire 70 à 75 millions de tonnes d’ici l’automne) du fait du blocage du port d’Odessa ouvrait la voie à une catastrophe humanitaire. La conscience du risque d’une telle perspective permet de mesurer la portée de l’accord signé à Istanbul , avec la « médiation » de la Turquie, le 22 juillet dernier, entre l’ONU et l’Ukraine d’une part, et entre l’ONU et la Russie d’autre part, à l’issue de plusieurs mois de négociations.
Les termes de l’accord sont connus : afin de permettre le trafic des navires marchands en mer Noire, des couloirs vont être sécurisés -Moscou s’engageant à en respecter la neutralité. Parallèlement, Moscou voulant s’assurer que des armes ne soient pas livrées par ce biais à Kiev, des inspections seront effectuées dans les ports turcs par toutes les parties à l’accord, au départ et à l’arrivée des navires transportant des céréales. Enfin, la Russie a obtenu la garantie que les sanctions occidentales ne s’appliqueraient pas au transport, ni aux assurances ni au système bancaire pour tout ce qui touche à ses propres exportations de produits agricoles et d’engrais.
La gravité de l’enjeu -éviter la crise alimentaire qui menace des millions de personnes- rendait intenable la stratégie initiale des puissances occidentales : fustiger le « chantage » de Poutine sans rien céder sur ses exigences d’allègement des sanctions alors même que Moscou se disait prêt à « faciliter l’exportation des céréales ukrainiennes » si les « restrictions à l’exportation des céréales russes (étaient) levées ». La forte pression de l’Union africaine sur l’UE pour qu’elle fasse passer l’intérêt vital des Africains avant sa stratégie de sanctions indistinctes contre la Russie fit le reste. La vraie négociation put enfin commencer sous l’égide de l’ONU. Quant au Président turc, il sut profiter (pour une fois à bon escient) de ses relations avec les deux belligérants pour jouer les bons offices. L’Union africaine se félicita aussitôt de ce résultat quasi-inespéré.
On connaît la suite : dès le lendemain de l’accord, deux missiles russes touchèrent des installations (militaires d’après Moscou, civiles et liées aux exportations de céréales selon Kiev) dans le port d’Odessa, suscitant l’émotion dans nombre de pays du Sud !
Gare à qui torpillerait cet accord majeur !
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1.
Frison Annie | 31 juillet 2022 à 12:57
article très intéressant montrant qu’il est possible avec les Nations Unies d’aboutir à des accords pour les besoins humains des populations. Quand arriverons-nous à des accords pour faire cesser cette guerre et toutes les autres dans le but de lutter contre le réchauffement climatique ?