BORIS JOHNSON : RETOUR SUR LA CHUTE D’UN POPULISTE
22 juillet 2022 at 2:57 Laisser un commentaire
Boris Johnson n’aura mis que deux ans et demi à passer d’une « victoire triomphale » -qu’il avait modestement qualifiée de « tremblement de terre » politique- à une chute humiliante précédée par la démission sans précédent de …60 membres de son gouvernement, manifestement effrayés de voir leur parti dévisser dans les sondages, son booster d’hier étant devenu son boulet ! L’élégance du commentaire attribué à l’un des ex-Ministres à propos de cette débandade -« Pour la première fois de l’histoire, c’est le navire qui quitte le rat »- permet de prendre la mesure de la profondeur de la crise parmi les Tories, qui fustigent volontiers aujourd’hui des pratiques populistes portées aux nues tant qu’elles permettaient de berner des millions de citoyennes et des citoyens britanniques.
A l’origine du système-Johnson, il y eut une inextinguible soif de pouvoir et de domination, avec, pour corolaire, une détermination sans scrupule à se servir du peuple pour y parvenir. Se donner une image « populaire », tranchant avec celle des élites politiques traditionnelles, fut, dès lors, une posture obligée. L’excentricité affichée par « Boris, le bouffon » -bourgeois formé à l’Université d’Oxford, l’ENA anglaise- en dit long, à cet égard, sur le mépris de classe dans lequel il tenait les travailleurs dont il briguait le suffrage. Le discours politique qu’il leur a tenu durant la campagne du Brexit obéissait à la même logique condescendante : offrir aux populations abandonnées par les gouvernements successifs un exutoire à leur légitime colère. « L’Europe » fut le bouc-émissaire idéal. Il lui était difficile de critiquer le cours néolibéral de celle-ci, en partisan invétéré qu’il était (et demeure) de la financiarisation et de la déréglementation de l’économie ! Il entreprit donc de flatter un sentiment solidement ancré dans la culture anglaise : la souveraineté nationale , quitte à la pousser dans les ornières du nationalisme et de la xénophobie.
Une fois fixé ce cap, tous les moyens furent bons pour gagner son pari. À commencer par le mensonge pur et simple -véritable seconde nature chez ce politicien sans vergogne. Nul besoin, avec Johnson, d’attendre ses dénégations récentes au sujet des 16 fêtes au « 10 Downing Street » pendant le confinement ou de la nomination d’un responsable politique qu’il savait coupable d’attouchements sexuels, pour le prendre en flagrant délit de boniment ! Pour le champion du Brexit , il s’agissait d’une véritable marque de fabrique, à l’instar de son slogan de campagne : « Reprenons le contrôle sur les 350 millions de Livres qui partent chaque semaine à Bruxelles » -la contribution britannique au budget européen étant en l’occurence allègrement multipliée par trois pour les besoins de la cause. Il n’hésita pas davantage à s’affranchir unilatéralement du « protocole sur l’Irlande du Nord » , pourtant signé de sa propre main lors des négociations post-Brexit avec l’UE. Il ne recula même pas devant l’instrumentalisation d’événements dramatiques -comme la guerre en Ukraine- pour détourner l’attention des conséquences de sa politique, regagner du crédit et se maintenir au pouvoir. Il est réconfortant de voir la baudruche se dégonfler. Mais, d’une part, le mal est fait, concernant un Brexit vraisemblablement arraché par la démagogie plus que par la démocratie ; d’autre part, il y a peu de chance que de ce pugilat entre conservateurs sorte un progrès pour le peuple britannique.
A suivre.
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