« LA GUERRE PAR PROCURATION » : JUSQU’OÙ ?
15 septembre 2022 at 7:14 Laisser un commentaire
« Oui : c’est une guerre par procuration ! » lâcha le général Trinquant dans le débat de la Fête de l’Humanité auquel il avait accepté de participer, le week-end dernier. L’ancien chef de la mission militaire de la France à l’ONU ne dira pas s’il approuve ou regrette ce choix stratégique de l’OTAN contre la Russie en Ukraine, mais il en a reconnu l’évidente réalité. Rappelons que cette option -qui n’a rien de banal-, la France ne l’avait pas faite sienne aux débuts du conflit, alors même que l’armée russe menaçait tout le territoire ukrainien, y compris Kiev. S’adressant aux Françaises et aux Français depuis l’Elysée, Emmanuel Macron déclarait le 2 mars : « Initiatives diplomatiques, sanctions contre les dirigeants (sic) politiques et économiques de la Russie, soutien à la population ukrainienne vont ainsi se poursuivre et s’intensifier avec pour seul objectif : obtenir l’arrêt des combats (re-sic !) ». Et le Président ajoutait pour écarter toute ambiguïté : « Nous ne sommes pas en guerre contre la Russie. Nous savons tout ce qui nous lie à ce grand peuple européen qui a tant sacrifié durant la seconde guerre mondiale pour sauver l’Europe de l’abîme ».
C’était avant le retournement stratégique de Washington. Le 24 mars, Joe Biden s’invita…au Conseil européen , qui réunit les Chefs d’Etat et de gouvernement de l’UE. Le communiqué commun UE-USA soulignera à l’issue de cette rencontre « la réponse coordonnée et unie de l’UE et des Etats-Unis à l’agression russe ». Le contenu de cette « réponse » sera explicitée à Kiev par le ministre de la défense américain (hors de toute présence européenne) : il faut « gagner la guerre » pour « affaiblir la Russie ». Suit, depuis lors, une avalanche ininterrompue de livraisons d’armes lourdes et sophistiquées de l’imposant arsenal des Etats-Unis, complétées par celles des alliés de l’OTAN, France comprise. Pour mesurer ce que cette décision trace comme perspective au conflit russo-ukrainien , il faut savoir que les dépenses d’armements des pays de l’OTAN dépassent allègrement les 1000 milliards de dollars par an contre 66 milliards pour la Russie…Que se passera-t-il quand l’armée conventionnelle russe se sentira acculée ? Le general Desportes, ancien directeur de l’Ecole de guerre, y a répondu dès le mois d’avril, en des termes qui méritent réflexion : « La question en stratégie est toujours de savoir comment va réagir l’autre. Poutine va monter dans les gammes, et il n’y a pas d’autre possibilité que d’aller frapper avec le nucléaire, d’abord en Ukraine sûrement et possiblement ailleurs par la suite (…) Je suis très inquiet (…) On se rapproche de la troisième guerre mondiale (…) Cette guerre doit s’arrêter ! » (1)
Il n’y a dans cette exigence nulle trace de complaisance à l’égard de Poutine dont l’agression criminelle est injustifiable et impardonnable. Seulement de l’esprit de responsabilité ! Pour s’annoncer extrêmement longue et difficile, la négociation aurait pour premier mérite d’arrêter l’effusion de sang en même temps que celui de permettre de mettre à plat les lourds contentieux accumulés depuis 30 ans, sans la résolution desquels il n’y aura pas de paix durable.
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(1) Radio Classique (27/4/2022)
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