MACRON A-T-IL LANCÉ LES « NATIONS UNIES D’EUROPE » ?
13 octobre 2022 at 12:36 Laisser un commentaire
« C’est une très vieille idée qui est peut-être en train de devenir réalité » s’est auto-congratulé le Président de la République, le 6 octobre dernier, à l’issue de la première réunion de la « Communauté politique européenne » (CPE) -lancée sur sa proposition- à Prague. Emmanuel Macron faisait allusion à l’initiative diplomatique majeure -malheureusement avortée- de François Mitterand au lendemain de la chute du Mur de Berlin : la tentative de création d’une « Confédération européenne » réunissant « tous les Etats de notre continent dans une organisation commune et permanente d’échanges, de paix et de sécurité » -y compris, donc -« naturellement », précisait Mitterand à l’époque- l’Union soviétique.
Il s’agissait d’offrir, sans attendre, un cadre stable de coopération aux pays d’Europe centrale et orientale. Et, dans le même temps, l’objectif sous-jacent fut d’éviter l’extension du leadership américain à ce nouvel espace stratégique. Parfois très discutable par ailleurs, la politique étrangère du Président socialiste était, sur ce point, empreinte de lucidité et de sagesse, allant jusqu’à mettre sur la table « des questions nouvelles », telles que « l’avenir des alliances -l’Alliance atlantique et le pacte de Varsovie- » ou celle de déterminer « à quel rythme poursuivre le désarmement »…Mikhaïl Gorbatchev, trop heureux de retrouver dans ce projet des traits de son idée de « Maison commune européenne », lui apporta son soutien. À l’inverse, Washington, par l’intermédiaire de ses nouveaux alliés d’Europe de l’Est, fit capoter l’initiative française.
Pour toutes ces raisons, il est pour le moins outrancier de dresser un parallèle entre ce projet-là de Confédération européenne et la CPE imaginée par Emmanuel Macron ! Les 44 Etats invités à Prague ont, sauf exceptions, pour point commun quasi-unique la condamnation de la stratégie désastreuse du Kremlin. C’est légitime mais cela ne suffit pas pour « structurer le continent européen », comme l’a pompeusement annoncé l’Elysée. La Présidente du Kosovo a beau y voir un « grand voyage pour la grande Europe », et son homologue lituanien rien moins que les « Nations Unies d’Europe », cette CPE risque d’être d’une portée limitée. L’unité affichée est évidemment factice. La Grande-Bretagne , présente à Prague, a, comme chacun sait, une folle envie d’ « écrire ensemble l’avenir » de l’Europe avec les « 27 » ! La Turquie est si désireuse d’une bonne entente avec les pays voisins qu’Erdogan a annexé la moitié de l’île de Chypre et invectivé son homologue grec durant la Conférence. L’Azerbaïdjan siège aux côtés de l’Arménie à Prague mais l’agresse sauvagement sur le terrain. Etc…
En vérité, ce dont aurait besoin notre continent depuis 30 ans que s’y accumulent des plaies qui, faute d’être traitées, s’enveniment, c’est une négociation globale pour la sécurité de tous. Sans exception. Évidemment, il est difficile d’imaginer aujourd’hui -après la décision, aussi stupéfiante qu’irresponsable, de Vladimir Poutine, de lancer cette guerre- associer la Russie à une tel chantier ! Il faudra pourtant, tôt ou tard, y arriver -après l’indispensable cessez le feu- pour tenter de jeter les bases d’une paix durable sur tout le continent.
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