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Il s’est produit la semaine dernière un fait assez rare par les temps qui courent : un événement européen a eu lieu dont on ne peut que se réjouir ! Non, nulle allusion ici à la prestation conjointe et naturellement « historique » de François Hollande et d’Angela Merkel au Parlement européen : RAS ! Ce dont il est question est d’une tout autre portée : c’est la décision de la plus haute juridiction européenne -la Cour de Justice de l’Union Européenne ( CJUE )- d’invalider une importante et même emblématique directive européenne en vigueur depuis quinze ans ! Cette mesure intéressera en particulier les internautes , car le texte de loi européen ainsi rendu caduc est celui-là même qui autorisait les géants de l’Internet , basés aux USA, comme Facebook, Google , Amazon , Microsoft, Apple ( entre autres ) à transférer outre-Atlantique leur inépuisable stock d’ informations en leur possession sur leurs usagers et clients européens . La directive en question avait déjà été très contestée dans le passé par nombre de citoyens, d’ONG, d’élus européens, nullement rassurés par la confiance aveugle que la Commission européenne accordait aux « garanties de protection » de ces données prodiguées par les autorités américaines. Les Etats-Unis étaient qualifiés à Bruxelles de pays « sûr »: d’où la dénomination de « Save Harbor » ( sphère de sécurité ) donnée à la directive.
Mais le problème prit une tout autre dimension après les révélations explosives d’Edward Snowden, il y a deux ans. N’apparaissait-il pas au grand jour que la réalité dépassait les pires craintes exprimées jusqu’alors ? Washington exigeait secrètement de toutes ces sociétés un libre accès à ces données pour la NSA dans le cadre de la surveillance de masse exercée au nom de la sécurité des Etats-Unis . La Commission européenne -consciente de l’intensité de la réprobation suscitée dans les opinions publiques par ce scandale sans précédent entre « alliés »- avait bien tenté d’obtenir de Washington des aménagements à l’accord passé en 2000. Sans succès à ce jour. Sa molle résistance à l’arrogance américaine lui vaut aujourd’hui le -rare- camouflet d’être, en quelque sorte, censurée par la Cour de Justice de l’UE. Elle n’est pas seule dans cette situation : les autorités nationales trop complaisantes en la matière envers les géants américains du Net ont, elles aussi, été sèchement désavouées par la Cour européenne . C’est notamment le cas de l’équivalent de la CNIL (1) pour l’Irlande, pays qui abrite jalousement le siège de Facebook pour l’Europe. Saisie par un internaute révulsé par le laxisme européen à l’égard de ces pratiques d’espionnage touchant à sa vie privée, cette Commission, en principe destinée à protéger les droits des usagers des réseaux sociaux, avait jugé cette plainte « irrecevable » en se réfugiant derrière la directive « Save Harbor » . Mal lui en a pris ! Elle saura désormais qu’aucune directive n’est, « a priori » , à l’abri d’une décision de Justice capable de prouver son obsolescence. A retenir…
Mais qu’est-ce qui a bien pu amener cette Cour , habituellement si tendre à l’égard des puissants, à donner raison à un quidam ? Sans aucun doute, le fait que ce simple citoyen exprimait une exigence massivement partagée. Ou comment « la multitude » peut , sans toujours le mesurer elle-même, faire bouger les rapports de force .
BOULEVERSÉ PAR LE SAUVAGE ATTENTAT PERPÉTRÉ CONTRE LES FORCES PROGRESSISTES DE TURQUIE, JE REJOINS ICI LES INNOMBRABLES TÉMOIGNAGES DE SYMPATHIE ET DE SOLIDARITÉ EXPRIMÉS DEPUIS CETTE TRAGÉDIE , EN PARTICULIER À NOS AMIS DU HDP, PREMIERS VISÉS ET PRINCIPALES VICTIMES. OUI, « LA PAIX L’EMPORTERA ! »
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(1) Commission Nationale Informatique et Liberté.
15 octobre 2015 at 8:44
« La mondialisation, on peut en faire une bonne ou une mauvaise (…) La réponse de la gauche à la mondialisation libérale, ce n’est pas de prêcher la démondialisation, c’est de changer de politique internationale ». Les arguments de Bertrand Badie, éminent spécialiste des relations internationales, sont percutants et convaincants. Il l’a prouvé une fois encore samedi dernier en clôturant une passionnante journée de débats qu’il avait co-organisée -une « première »- avec une structure d’échanges créée par le Parti communiste français et dirigée par Michel Laurent, le LEM (1).
La thèse avancée a la force de l’évidence: le monde a changé. D’abord, il n’est plus limité géographiquement comme du temps des colonies ou divisé comme durant la guerre froide. Il faut donc se situer par rapport à l’humanité et à la planète toutes entières. Ensuite, malgré les rapports de force impitoyables qui s’y exercent, il existe un niveau d’interdépendance sans précédent : aucun État, même le plus puissant, ne peut plus ignorer totalement les autres ni leur imposer toutes ses volontés. Au point que le Président Obama se demande si le leadership américain à encore un sens. Cette interdépendance offre une chance : ce que l’un gagne n’est plus nécessairement le résultat d’une perte pour l’autre. Par exemple, la Chine n’a rien à gagner à l’effondrement des États-Unis ou de l’Europe, et vice-versa !
Dans ce monde, les enjeux de sécurité ont changé. « Les États-Unis n’ont pas gagné une seule guerre depuis 1945…à l’exception de celle menée contre Grenade et sa poignée de soldats ! » souligne l’universitaire progressiste. Plus généralement, pas une intervention politico-militaire n’a réussi -y compris « en Libye, en République Centrafricaine ou même au Mali », précise Badie à propos des initiatives françaises. L’instrument militaire n’est plus adapté. « Ce n’est pas l’OTAN qui résoudra les frustrations des sunnites provoquées par la guerre civile en Irak et qui sont à l’origine du soutien populaire à Daech ! » Et si aucun des conflits existants au moment de la chute du Mur n’a été réglé depuis lors -Palestine, RDC, Somalie, Yémen,Érythrée, Soudan, Afghanistan…- c’est « parce qu’on n’a pas progressé en matière de gestion des biens communs de l’humanité. » Les violences qui « préparent les volcans de demain », ce sont avant tout les terribles inégalités qui sévissent dans le monde. Y compris entre les États . Il faut affronter ces problèmes et, pour y parvenir, dépasser « la diplomatie de la tasse de thé », c’est à dire les discussions entre amis et entre semblables. Refuser de négocier avec tous ceux que nous n’aimons pas nous conduit dans l’impasse.
Il est donc temps que les citoyens se mêlent de ces enjeux et deviennent des acteurs de la mondialisation . Et il est crucial de définir les axes d’une nouvelle politique internationale de la France. Bertrand Badie en verse quatre principaux au débat de la gauche. La solidarité : elle n’est pas caritative; elle est utile à celui qui l’exerce car elle consolide sa propre sécurité. Le multilatéralisme : il faut s’ouvrir à tous , aux Chinois, aux Russes, aux pays arabes, et y compris aux acteurs non étatiques. L’ « intersocialité »: c’est à dire les échanges entre les sociétés et pas seulement entre les États. L’ « altérité »: autrement dit la reconnaissance de l’autre dans sa différence. « La négation de l’altérité est à la base de la violence internationale de demain. À l’inverse, le respect, c’est la la plus belle des libertés, celle qu’on offre à l’autre ». Merci, Bertrand Badie !
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(1) Rencontre publique sur le thème : »Une réponse de gauche à la mondialisation », avec la participation (outre Bertrand Badie et Michel Laurent) de Leila Shahid, ambassadrice de Palestine auprès de l’Union européenne; Natassa Théodoradopoulou, représentante de Syrisa au Parti de la Gauche Européenne; Liêm Hoang-Ngoc, économiste, ancien parlementaire européen et animateur du collectif des « socialistes affligés »; Jean-Pierre Dubois, Président d’honneur de la Ligue des droits de l’homme; Dominique Vidal, journaliste; Noël Mamère, député; Geneviève Garrigos, présidente d’Amnesty International-France; Adem Uzum, dirigeant politique kurde; Francis Wurtz, député honoraire du Parlement Européen. Six heures de débats animées par Anne Sabourin, représentante du PCF au PGE et Dominique Bari, journaliste. (Sénat, 31/1/2015)
5 février 2015 at 10:17
Contre l’abjection, pour la liberté et pour le « vivre ensemble », le peuple vient de se mobiliser spectaculairement et dans une grande dignité. Dans le contexte politique actuel, un tel hommage à une équipe de dessinateurs anticonformistes , amis du journal des communistes , antiracistes notoires, n’avait rien d’évident. Dans toute l’Europe et bien au-delà, de simples gens bouleversés ont exprimé leur solidarité. C’est la perspective de cette levée en masse qui a conduit les Chefs d’Etat et de gouvernement, à commencer par ceux de l’Union européenne, à participer exceptionnellement au rassemblement populaire parisien.
Nous venons de vivre un événement historique qui aura des suites. Mais la nature de celles-ci n’est pas écrite d’avance. Elles feront -et font déjà !- l’objet d’une bataille d’idées acharnée. La chef du FN , que tant de commentateurs voyaient volontiers « dédiabolisé », voire « normalisé », n’a-t-elle pas d’emblée réclamé le rétablissement de la peine de mort ? D’autres dirigeants politiques en ont appelé, dans une ambiguité de mauvais aloi, à la « défense des valeurs de l’Occident ». D’autres encore ont brandi l’épouvantail d’une « guerre de civilisation »…Mais, dans le même temps, que de beaux témoignages anonymes -ou de commentaires de proches des victimes- mettant en garde contre l’islamophobie et rejetant l’intolérance, le racisme, l’antisémitisme et toute forme de violence ! Est-ce le signe d’un sursaut de notre peuple ? En tout cas, c’est une chance à saisir: en faisant vivre ce courant d’opinion, en y favorisant des rapprochements progressistes, en travaillant à une perspective dans laquelle il puisse à nouveau se reconnaitre! Voilà une belle feuille de route pour une gauche digne de ce nom ! À cet égard, le fait que tant de regards européens soient aujourd’hui tournés vers la France renforce l’enjeu politique de cette confrontation d’idées.
La réponse européenne à ces attentats ne peut, en effet, se limiter au nouvel « agenda de sécurité intérieure » auquel travaille la Commission de Bruxelles ! Celle-ci vise en particulier à instaurer un système européen de collecte de « données passagers » (PNR) semblable à ce qui existe pour les voyageurs désirant se rendre aux États-Unis : une mesure que rejette jusqu’ici le Parlement européen, soucieux de concilier sécurité et protection des données personnelles. La Commission Juncker envisage en outre de développer encore le « Système d’Information Schengen » (SIS) , énorme fichier informatique comportant déjà plus 1,2 million de signalements de personnes ( Chiffres de la CNIL datant de 2009 !) . Bruxelles prévoit également un renforcement du cadre juridique « si besoin par une modification de la décision-cadre relative à la lutte contre le terrorisme et les législations nationales concernées ». Or, autant il serait irresponsable de négliger les mesures préventives et les coopérations nécessaires dans le domaine du renseignement, autant ce type de fuite en avant sécuritaire est à bannir. Non seulement, il fait fi des libertés individuelles, mais il a largement prouvé son inefficacité en termes de sécurité publique. Et surtout, il passe à côté de l’essentiel, à savoir l’ éradication des sources du terrorisme.
On ne soulignera jamais assez, à cet égard, les effets dévastateurs de toutes les guerres menées par « l’Occident » au nom de ses « valeurs »en Afghanistan, en Irak, en Libye ou ailleurs ! Et que dire du soutien apporté à des « combattants de la liberté » (ainsi appelés tant qu’ils s’opposent aux adversaires de l’Occident), qui ne deviennent des djihâdistes que lorsqu’ils se retournent contre leurs anciens parrains ? Sans oublier le cœur de ce Moyen-Orient incandescent, symbole par excellence des identités blessées des peuples arabes et musulmans qui « ont le sentiment d’être poussés hors de l’Histoire » (Mahmoud Darwich) : la Palestine occupée ! Or, combien de nos concitoyens ressentent-ils intimement les effets de ces humiliations en plus des atteintes quotidiennes à leurs propres droits et à leur dignité en France même ! Voilà les sources auxquelles s’abreuvent les fanatiseurs criminels , à la recherche de proies pour la « guerre sainte ». C’est pourquoi , la vraie suite à « Je suis Charly »s’appellent la justice, le respect et la paix.
15 janvier 2015 at 8:36
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