QUAND L’EUROPE EST SANS…BUDGET!
26 novembre 2010 at 11:20 Laisser un commentaire
Décidément, rien ne va plus. Des économistes décrivaient déjà l’Union européenne comme « l’homme malade de la planète » parce qu’elle affiche une croissance deux fois inférieure à la moyenne mondiale et trois fois moindre que celle des pays émergents. Puis l’on a entendu son président, Van Rompuy, annoncer que « la zone euro lutte pour sa survie ». Voilà que Conseil (les gouvernements) et Parlement viennent d’échouer dans leur recherche d’un accord sur le budget 2011! Seuls les Chefs d’Etat et de gouvernement peuvent encore éviter le pire lors de leur prochaine rencontre, les 16 et 17 décembre prochains, à condition de trouver entre eux – et à l’unanimité – un compromis acceptable pour la majorité des députés européens. Ce qui est loin d’être évident.
Cette situation n’a rien d’anecdotique. elle ne s’est produite, à ma connaissance, que deux fois en plus d’un demi-siècle, dans les années 80. Elle signifie que les institutions européennes ne disposeraient, pour fonctionner et investir, que d’un douzième du budget précédent (2010) par mois, jusqu’à ce qu’un accord intervienne sur un nouveau budget. Par voie de conséquence, aucune des dépenses nouvelles prévues pour l’an prochain ne pourrait être engagée. Ainsi, les agences de supervision des banques, des assurances et des marchés financiers dont la création devait annoncer une nouvelle « régulation » – au demeurant fort éloignée des exigences de ruptures avec la financiarisation à outrance de l’économie européenne – ne pourraient pas fonctionner; le chantier du futur réacteur expérimental de fusion nucléaire qui vient d’être lancé à Cadarache, dans les Bouches du Rhône, serait privé de 940 millions d’euros (Bonjour, la crédibilité de l’Union européenne vis à vis de ses partenaires pour ce projet: la Chine, l’Inde, la Corée, la Russie, les Etats-Unis…); les fonds structurels d’aide aux régions seraient amputés de 14% de leurs montants prévus; 24 milliards d’euros d’aides directes aux agriculteurs devraient être avancés par les Etats membres. Cerise sur le gâteau: le « service européen d’action extérieure » présenté comme la grande innovation du traité de Lisbonne (sorte de « quai d’Orsay » européen) ne pourrait pas voir le jour.
Comment en est-on arrivé là? L’adoption du budget suppose que Conseil et Parlement se mettent d’accord sur le même projet. Ce fut presque le cas, à la mi-novembre, la majorité des députés ne remettant en cause ni les orientations ni les limitations drastiques des dépenses: 126 milliards d’euros, soit 1,01% du revenu national brut des 27 pays membres… Le clash a pour origine l’intransigeance des gouvernements britannique, nordiques et néerlandais qui ont refusé de prendre l’engagement exigé par les parlementaires, en échange de leur extrême « modération » en matière de dépenses publiques européennes, de les associer à la réflexion prévue sur le financement futur de l’Union européenne (impôt européen? taxe sur les mouvements de capitaux? suppression de la ristourne substantielle accordée à la Grande Bretagne depuis le forcing victorieux de l’ex – « Dame de Fer », Margaret Thatcher?…) et à l’élaboration des perspectives financières pour les années à venir (2014-2020).
Rendez-vous le 16 décembre… Mais quelle que soit l’issue de cette ultime négociation, une double conclusion s’impose: d’abord, la question, hautement politique, des recettes comme des dépenses de l’Union européenne est à suivre de près dans la période à venir. Ensuite, cette nouvelle illustration des contradictions qui traversent l’actuelle construction européenne confirme la justesse d’une ambition que nous ne cessons d’affirmer: celle d’une véritable refondation d’une « Union » qui, décidément, prend l’eau de toutes parts.
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