PASSER A L’OFFENSIVE SUR L’EUROPE

23 décembre 2010 at 8:27 2 commentaires

Dans ma toute première chronique de 2010, je posais la question : « 2010 sera-t-il l’année de l’éclatement de la zone euro? » On n’en est finalement pas (encore ?) arrivé à cette extrémité. Je dirai : fort heureusement, car les peuples concernés en seraient à coup sûr les premières victimes, tant les dominations des plus puissants s’exacerberaient au détriment des plus faibles tandis que les spéculateurs s’en donneraient à cœur joie sur ce champ de ruines… Mais on n’en est pas très loin si rien ne bouge sur le fond.

Les décisions prises par les Chefs d’Etat et de gouvernement lors du dernier Conseil européen de l’année (16-17 décembre derniers) ont-elles apporté le moindre début de solution à la crise ? Hélas nullement ! Certes, l’actuel « Fonds de stabilisation financière », prévu pour une durée de trois ans, va être pérennisé. Mais, à supposer que cela évite de pousser de futurs pays fragilisés à quitter la zone euro -ce qu’il reste à prouver- leur « sauvetage  » se ferait au prix d’un véritable écrasement des populations, comme on le voit aujourd’hui en Grèce et en Irlande (et dans une certaine mesure dans tous les pays membres , à titre « préventif » !). C’est totalement inacceptable et il y a fort à parier que la généralisation de ce scandale se heurtera à une opposition de plus en plus forte.

Il faut rendre de plus en plus difficile aux dirigeants de cette « Union » en flagrant échec d’empêcher l’ouverture d’un grand débat public sur ce que pourrait être un autre type de construction : solidaire, démocratique, et capable de libérer les pays membres de l’étouffante dépendance aux marchés financiers. C’est possible. Ainsi une idée qui nous est chère depuis longtemps -la réorientation des missions de la Banque centrale européenne (BCE)- est en train de faire son chemin, notamment dans le mouvement syndical européen et y compris parmi les économistes de divers horizons. Les circonstances se prêtent à un aiguisement de ce débat. La BCE a, en effet, la possibilité de financer à des conditions très avantageuses les investissements publics pour le développement social dans les pays membres ! Et ce en créant de la monnaie, c’est à dire sans recours à l’emprunt sur les marchés de capitaux ! Voilà une exigence porteuse de ruptures salutaires autour de laquelle on peut et on doit rassembler des forces vives dans toute l’Union européenne. C’est le sens de l’initiative que vient de prendre le Parti de la Gauche européenne (PGE) : il va lancer en 2011 une collecte d’un million de signatures en faveur de la création, dans cet esprit, d’un « Fonds européen de développement social ».

Cela nécessiterait de changer les traités ? Et alors ? Les « 27 » ne veulent-ils pas modifier l’article 136 du traité de Lisbonne (qu’ils prétendaient jusqu’alors intouchable) sur le fonctionnement de la zone euro pour légaliser leur « mécanisme de stabilité » financière ? Banco, si je puis dire! Quitte à changer les traités, changeons les pour de bon. Il est temps, pour la gauche, de passer à l’offensive sur l’Europe.

Bonne année 2011 !

 

*************

NB : La semaine dernière, la chronique intitulée « réponse à un ami internaute » appelait une suite, tant sur les contours d’une alternative progressiste que sur le chemin à emprunter pour réussir à amorcer un tel changement. Ce que nous venons d’évoquer sur la maturation du débat d’idées et sur les perspectives d’action en France et à l’échelle européenne s’inscrit dans ce dialogue. Nous le poursuivrons dès notre prochain rendez-vous.

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COMMENT SOMMES-NOUS DEVENUS PAUVRES ? L’ESPOIR,CE « MAL INCURABLE »…

2 commentaires Add your own

  • 1. Albert  |  27 décembre 2010 à 8:35

    Pour la question de la création de monnaie par des prêts sans intérêts de la Banque Centrale au budget, le faire au niveau national dans chaque pays est déjà prioritaire pour améliorer les situations d’endettement du budget de l’État dans des pays comme la Grèce, l’Irlande, le Portugal…

    Cette solution est aussi plus démocratique que celle que vous proposez puisque proposée par les gouvernements et votée par des parlements nettement plus représentatifs qu’une Commission d’apparatchiks non-élue.

    C’est ce genre de positions contre l’approfondissement de la démocratie que vous prenez qui m’ont amené à cessé de voter PCF. D’autre part sur le plan social, je ne vois pourquoi j’aurais continué à voter PCF. Ceci puisque le PCF soutient l’existence de la construction européenne dont le libre-échange a fait fermer les usines où je travaillais et donc perdre plusieurs fois les emplois que j’avais trouvé.

    Quant à l’option : Aller plus loin dans un budget fédéral commun, cela revient en pratique à rabacher le vieux slogan démagogique : « L’Allemagne paiera ! », ce qu’elle ne voudra à aucun prix, et ce à juste titre.

    Réponse
  • 2. Albert  |  30 décembre 2010 à 6:29

    Deux premiers principes pour une politique post-UE

    Premier principe : s’opposer au libre-échange et promouvoir des échanges plus équilibrés

    Pourquoi ?

    Le libre-échange a un double effet dépressif

    – direct sur les salaires

    – indirect sur la concurrence fiscale qu’il rend possible.

    L’effet dépressif du libre-échange sur les salaires : dans un système d’ouverture maximale des frontières et de mondialisation des échanges et de la production, les capitaux s’investissent où ils veulent, et leurs détenteurs peuvent ainsi faire pression pour obtenir les meilleures conditions de baisse des coûts salariaux de la production. De surcroît, ces détenteurs de capitaux (les « investisseurs ») exigent un taux de rendement élevé de leurs investissements (théorisé sous le vocable return on equity – retour en équité -ROE), sans rapport avec la productivité, opérant ainsi une confiscation massive des gains de productivité au détriment des salariés. On constate ainsi une déconnexion entre les gains de productivité et la rémunération des salariés dans tous les pays de l’OCDE ces vingt dernières années, puisque le partage de la valeur ajoutée a augmenté de 10 points sur cette période, en faveur des détenteurs de capitaux, donc, au détriment des salaires.

    Ce maintien des salaires bas opère au moins autant par le chantage à la délocalisation que par la délocalisation elle-même : les délocalisations ne sont pas un phénomène marginal, mais la menace de délocalisation est utilisée par les investisseurs, et, in fine par les entreprises pour contraindre une modération salariale constante, et une dégradation des conditions de travail.

    En parallèle à ce chantage constant, est servie la « nécessité » de la compétitivité des entreprises pour faire face à des importations fortes et pour acquérir des parts de marché à l’exportation. Puisque les échanges s’opèrent « librement » et mondialement, la concurrence n’est pas entre des entreprises opérant avec des contraintes sociales et réglementaires semblables, mais entre des entreprises se concurrençant avec des contraintes différentes. Et puisque le salarié est la seule variable d’ajustement structurel dans un environnement où le détenteur de capitaux dicte sa loi, ce sont les salariés qui sont de fait placés en concurrence, et, pour être précis, le système de protection sociale et réglementaire dont ils jouissent encore. Finalement, l’idéal, serait un alignement des conditions sociales dans lesquelles se réalisent le travail, mais pour les entreprises, ces conditions sont les conditions minimales. D’où la pression pour que les Etats et les populations y consentent, par « réalisme ».

    De ce point de vue, l’Union européenne prête un oreille attentive aux desiderata des entreprises. Elle fait beaucoup plus que cela : la Commission européenne se soumet volontairement à un lobbying intense des entreprises transnationales dont les intérêts sont omniprésents à Bruxelles, lobbying d’autant plus efficace que la Commission est largement libérale depuis deux décennies. Ces lobbies entonnent le chant de la compétitivité, et ils sont entendus, et les médias le répètent sur tous les tons.

    Ainsi, la politique de l’UE est cadrée par une stratégie insuffisamment connue, la « stratégie de Lisbonne » (qui n’a rien à voir avec le traité du même nom). Décidée en 2000, cette feuille de route politique oriente toute l’activité vers la compétitivité des entreprises. L’idée est de faire le l’Union « la zone la plus compétitive du monde à l’horizon 2010 ». Il s’agit clairement de donner une forte priorité au « business », ce qui veut dire une forte libéralisation du marché intérieur, notamment des services, et l’accès par les entreprises transnationales aux marchés extérieurs.

    Comment cela se traduit-il ?

    La concurrence est le seul droit efficace dans l’Union : le droit social est soumis à la concurrence, les services publics sont soumis à la concurrence, l’enseignement, la culture sont instrumentalisés pour favoriser « l’employabilité » des salariés.

    La compétitivité c’est aussi des politiques budgétaires et monétaires restrictives. Casse de la protection sociale ici, bradage des droits sociaux partout : si les retraites sont sous-financées dans le projet du gouvernement français, c’est qu’il n’est pas envisageable d’élargir l’assiette des cotisations pour « ne-pas-grever-la-compétitivité-des-entreprises » (air connu). C’est au nom de la comptitivité que l’Allemagne mène une politique tournée vers la conquête des marchés à l’exportation, au prix d’une baisse des revenus des salariés en termes réels, et d’une prise en charge par l’Etat des charges sociales pour les produits destinés à l’exportation (ce qui revient à doper cette compétitivité par des subventions massives). Ce gain de marchés par l’Allemagne, payé par des souffrances sociales, s’est largement fait au détriment des partenaires européens de ce pays.

    L’effet dépressif du libre-échange est aussi indirect sur la fiscalité.

    Pour préserver l’emploi, les Etats membres concurrencés par les produits des pays de l’Union à salaires bas et protection sociale inexistantes transfèrent les cotisations sociales des entreprises vers la fiscalité, elle-même pesant de plus en plus sur le facteur de production le moins mobile, le salarié. Et l’on constate une augmentation de la TVA, l’impôt le plus injuste car non proportionné au revenu, ainsi que, dans le même temps, une baisse de la taxation des hauts revenus. De surcroît, les prestations sociales sont rognées (les exemples sont innombrables, tant sur l’indemnisation des chômeurs, sur les retraites, sur la santé, dans tous les pays de l’Union, du moins ceux qui avaient une protection sociale digne de ce nom).

    Le libre-échange ne fait pas qu’exercer une pression insupportable sur la fiscalité et les conditions sociales au Nord : il est également un facteur de mal développement au Sud. L’idée, qui traîne partout, que les emplois détruits ici le sont au bénéfice du Sud n’est pas vérifiée.

    L’impact du libre-échange dans le cadre de l’OMC sur les pays pauvres a été sensiblement négatif, y compris lorsqu’ils sont mesurés par des modèles valorisant intrinsèquement les effets positifs de la libéralisation des échanges en « oubliant » de comptabiliser les pertes de revenus dues à la diminution forte des recettes douanières (celles-ci étant d’ailleurs plus importantes proportionnellement au budget de l’Etat quand il s’agit d’un pays sous-développé), et même en comptant la Chine dans les pays pauvres, ce qui est largement discutable. Quoiqu’il en soit, dès lors que la Chine n’est pas intégrée dans les calculs conduits par l’OMC comme un pays pauvre, ces dernières années ont vu le développement du commerce international, pas celui du bien-être, même strictement matériel, des populations au Sud.

    L’impact du libre-échange pour le Sud se mesure aussi à travers la promotion d’accords bilatéraux ou régionaux. Les Accords de partenariat économique (APE) sont symptomatiques : quoique les pays Afrique-Caraïbes-Pacifique ne représentent que peu sur le plan commercial pour l’Union européenne, celle-ci, au terme d’intenses pressions, veut à tout prix mettre en place des accords qui n’ont de partenariat que le nom, mais sont de véritables accords de libre-échange. Ces accords mettraient en concurrence les produits de ces pays avec ceux de l’UE, alors que les produits de l’UE sont structurellement bien plus compétitifs. Tout cela au prix d’une destruction des filières de production locale, au prix de souffrances sociales intenses. Déstructuration de l’économie des pays de migration par l’imposition d’accords de libre-échange, transformation de l’Europe en forteresse avec recul des libertés publiques, concurrence au Nord entre travailleurs avec papiers et ceux sans papiers, où est la cohérence?

    La réalité est que l’intensification du libre-échange ne fait qu’augmenter la richesse d’une part infime d’une élite sociale, les 1%, voire les 0,1% des plus riches devenus encore plus riches ces vingt dernières années.

    Dans ces conditions, une politique de rupture est nécessaire.

    Paradoxalement, cette politique de rupture est difficile aussi à entendre du côté de ce que, très largement, on peut appeler les « progressistes », et j’englobe Attac dans ce lot. Collectivement, nous avons capitulé sur un terme que nous n’osons plus employer car il a été chargé négativement par les néo-libéraux, ce que nous avons accepté qu’ils fassent. Ce mot est le mot « protectionnisme ». Nous avons subi une défaite sémantique qui est, à l’évidence, une défaite politique. Le protectionnisme est désormais synonyme de fermeture, d’archaïsme, et surtout de nationalisme. Et comme nous ne voulons pas du nationalisme, nous nous sommes mis à avoir peur d’être simplement soupçonnés de ce mot, et nous craignons ce qui, dans l’esprit commun, s’y rapporte désormais. Le protectionnisme est devenu, même pour nous, un gros mot car nous acceptons la connotation négative que les libéraux y ont attaché.

    La solution : Les principes d’équilibre des balances commerciales contenues dans la Charte de La Havane

    Voir l’article consacré à la Charte de la Havane par le Mouvement pour une éducation populaire …

    Deuxième principe : s’opposer au centralisme et recouvrer la souveraineté populaire tout en permettant les coopérations

    Des traités bilatéraux, trilatéraux, voire, au grand maximum, quadrilatéraux, modulaires, multiples et maillés entre les pays d’Europe au lieu d’un seul traité multi-latéral à 27 dans le sous-continent. Et comme nous ne sommes pas des fétichistes de l’Europe, des traités suivant ces principes pourront être établis avec des pays hors Europe, sous-continent aux frontières floues et arbitraires du côté oriental.

    Prenons l’exemple d’un futur traité anglo-néerlandais qui concernerait : le tourisme, la co-opération en matière de défense, le nucléaire et le ferroviaire.
    Pour respecter les souverainetés anglaises et néerlandaises, chaque branche de ce traité est détachable des autres, c’est à dire que si les Néerlandais renoncent au nucléaire et par conséquent à la co-opération sur ce sujet avec les Anglais, ils le peuvent renoncer à cette co-opération, sans que cela remette en cause les autres domaines où ils restent d’accord pour co-opérer. Les traités sont rédigés entre un petit nombre de participants et modulaires, détachables suivant les indications de la volonté populaire de chaque pays. Des dispositions sont prises pour consulter à chaque échéance les peuples concernés sur chaque thème de coopération. Des compensations financières ou politiques sont prévues dès le départ et définies aux différents stades d’avancement pour prévoir les cas d’abandon unilatéral par un pays d’un thème de co-opération.

    À la suite des signatures des traités, les instituts de co-opérations sont créés. Des dispositions sont prises pour que la poursuite ou l’abandon d’une politique soit neutre pour la carrière des personnels de ces instituts.

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