EUROPE: POUR UNE CONTRE-OFFENSIVE DE GAUCHE!
1 avril 2011 at 8:46 Laisser un commentaire
La gravité de la situation internationale a quelque peu occulté le sommet des Chefs d’État et de gouvernement de l’Union européenne des 24 et 25 mars derniers. Il serait pourtant irresponsable de banaliser le « changement profond du projet européen » qu’il a entériné. Philippe Ashkenazi, économiste de renom, à qui j’emprunte cette appréciation, n’hésite pas à établir un parallèle qui ne manque pas de pertinence, en affirmant qu’il est « étrange de retenir pour l’Europe la même priorité économique que le régime de Ben Ali, qui s’enorgueillissait tant d’avoir fait de la Tunisie, à coups d’injustices sociales et de chômage massif des jeunes, le pays le plus compétitif du continent africain, si l’on en croit le classement du Forum de Davos, tout aussi « inspiré » que la diplomatie française. » De fait, si l’Union européenne n’a jamais manifesté de passion pour le progrès social, c’est la première fois qu’elle installe explicitement – et dans une optique durable – un régime structuré et centralisé de régression sociale au nom de l’impératif de la « compétitivité », au sens le plus étroit du terme. Les nouvelles valeurs européennes s’appellent : »surveillance des politiques budgétaires »; « renforcement de la discipline »; « durcissement du pacte de stabilité »; « pacte pour l’euro »; « maitrise des coûts salariaux »; « diminution des dépenses publiques »; « relèvement de l’âge de la retraite »; « incitation à la flexicurité »… Son mécanisme d' »aide » aux pays en difficultés est si généreux que le Premier Ministre portugais – qui a pourtant imposé trois plans d’austérité insoutenables à son peuple en moins d’un an – a préféré démissionner plutôt que d’endosser la responsabilité d’y avoir recours.
Cette « réforme de la gouvernance économique », fièrement portée par Angela Merkel et Nicolas Sarkozy, puis saluée avec lyrisme par le Président de la Commission à Bruxelles, M. Barroso, comme « le plus grand changement accompli par l’Union européenne depuis des lustres », constitue un acte d’allégeance aux marchés financiers qu’il est vital de mettre en échec. Il faut se réjouir de la riposte syndicale à cette déclaration de guerre, tant dans chacun des pays les plus directement frappés qu’à l’échelle européenne.
Mais c’est au niveau politique que la contre-offensive reste à construire! C’est, en effet, un problème de nature politique que pose l’acceptation des Etats membres de s’engager, comme ils le font dans la pacte Merkel-Sarkozy, à soumettre, chacun à ses pairs – c’est à dire, en fait, au plus puissants d’entre eux – une fois par an, les « réformes » qu’il a accomplies en matière de finances publiques, de système social, de marché du travail, de politique fiscale! Où serait la différence entre un gouvernement de droite et de gauche si celui-ci devait, en tout état de cause, accepter de « surveiller le coût du travail unitaire pour vérifier que sa hausse ne conduise pas à une érosion de la compétitivité » – comme on peut le lire dans le fameux « Pacte »? A quoi servirait-il de s’alarmer de la montée en puissance des courants populistes et des démagogues d’extrême droite dans toute l’Europe si, dans le même temps, la gauche européenne s’avérait incapable de prendre le taureau par les cornes pour opposer à cette descente aux enfers un front résolu et rassembleur, porteur d’un projet européen axé sur le développement social, une politique monétaire permettant de nous libérer progressivement de la toute-puissance des marchés financiers, et une authentique démocratie citoyenne. Ce débat est lancé au sein des forces du Parti de la Gauche européenne. Il gagnerait à entrer dans la vie.
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