UN TRIBUNAL DES MULTINATIONALES CONTRE LES ÉTATS ?

27 mars 2014 at 7:21 Laisser un commentaire

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« Le risque économique ou politique est pour l’investisseur potentiel un problème-clé (…) Le but des accords de protection (…) des investissements est précisément de (…)créer le climat de confiance indispensable pour attirer des investisseurs étrangers » rappelle sur son site la Direction générale du Trésor (Ministère de l’Economie et des Finances et Ministère du Commerce extérieur). Et de conclure qu’ « avec l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne, l’Union européenne est devenue compétente pour négocier de futurs accords de protection des investissements ».

Elle ne s’en prive pas,en effet! Pour favoriser « le climat de confiance » attendu par les « investisseurs », la Commission européenne a ainsi prévu, dans le cadre des négociations en cours avec les États-Unis en vue de constituer un « grand marché transatlantique », un « tribunal d’arbitrage international » chargé de trancher les litiges opposant un investisseur à un État .(1) En clair, dès lors qu’une multinationale estimerait qu’une mesure gouvernementale -sociale,économique, environnementale, financière…- serait de nature à nuire à ses intérêts, elle pourrait saisir cette instance -totalement privée et « pro-business »- pour obtenir de l’Etat concerné soit l’annulation de la politique publique contestée, soit un dédommagement pouvant se chiffrer en centaines de millions de dollars! La même menace pèserait sur les collectivités territoriales des États signataires d’un tel accord de protection des investissements.

Il ne s’agit pas d’une crainte fantasmée par les opposants au partenariat transatlantique ! De tels accords plaçant les gros intérêts privés au-dessus de la souveraineté des peuples et des nations existent déjà , et leurs conséquences ne sont que trop éloquentes. Ainsi,en vertu de l’accord de libre-échange en vigueur entre les États-Unis, le Canada et le Mexique (ALENA), la société américaine Lone Pine Ressources exige-t-elle 250 millions de dollars de réparation du gouvernement du Québec, coupable d’avoir décrété un moratoire sur l’exploitation du gaz de schiste par fracturation hydraulique, ce qui, de l’avis de l' »Investisseur » du Delaware,contrecarre son « droit à l’extraction » et contrevient à son « attente légitime d’un environnement économique et juridique stable ».(2) Plus près de nous, en Espagne, pas moins de 22 entreprises étrangères poursuivent le gouvernement devant des tribunaux internationaux à la suite d’une réduction des aides accordées aux énergies renouvelables dans lesquelles elles avaient investi. En Grèce, c’est la banque slovaque Postovà Bank qui, après avoir acheté, en pleine connaissance de la situation financière du pays et à vil prix, des titres de dettes dégradés, a tenté d’obtenir une compensation supplémentaire du risque pris du fait de l’acquisition de ces obligations,en poursuivant la Grèce sur la base de l’accord d’investissement en vigueur entre les deux États.(3). La liste de tels scandales est déjà longue.

Imaginons les effets potentiels de ce type d’accord entre les deux mastodontes du commerce international : l’Union européenne et les États-Unis, à plus forte raison quand on connaît les pratiques procédurières sans scrupules du « big business », particulièrement outre-Atlantique ! Et pourtant, un tel « mécanisme de règlement des différends » est bel et bien inscrit dans le mandat confié aux négociateurs européens par les Chefs d’Etat et de gouvernement des « 28 ». Devant la levée de boucliers  suscitée par une perspective aussi ahurissante – et la crainte de voir cet enjeu tout à la fois social, économique , écologique et bien sûr démocratique jouer le rôle de catalyseur du mécontentement populaire , à la manière de la « Directive Bolkestein » en son temps- la Commission européenne a décidé de geler les négociations sur ce point,le temps d’une « consultation » informelle jusqu’au mois de…juin, « ce qui permet de passer le cap des élections européennes », note avec malice le journal « Les Échos ».
Mais un électeur averti en vaut deux !

———-
(1) Voir Patrick Le Hyaric : »Dracula contre les peuples » (L’Humanité).
(2) Sophie Chapelle.Bastamag.net
(3) « Profiter de la crise »: Rapport conjoint du « Transnational Institut » et du « Corporate Europe Observatory ».

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