Archive for 16 juin 2016
JÉRÉMY CORBYN, PORTEUR DU NON DE GAUCHE AU BREXIT
Le nouveau leader travailliste, Jérémy Corbyn, déroute décidément les observateurs politiques français. Cet authentique homme de gauche se permet à la fois de s’opposer à la sortie de la Grande-Bretagne de l’UE et de lutter pour une autre Europe . Il n’en faut pas plus pour que « Libération » s’interroge : « Est-il « in » ou « out » ? Telle est la question ». Certes, le journal de Laurent Joffrin l’admet : « il l’a clairement dit : il votera en faveur du maintien ». Mais comment croire à son engagement contre la sortie de l’UE alors qu’ il a voté contre tous les traités européens et qu’ « il ne s’est jamais privé de critiquer l’Union européenne ». (15/4/2016) . Autrement dit, pour paraphraser un ancien Président de la République : l’Europe, on l’aime telle qu’elle est ou on la quitte ! Cela nous rajeunit de onze ans : en 2005, ou bien l’on votait pour le traité constitutionnel ou l’on était qualifié d’europhobe !
Même son de cloche à « L’Express »: « Corbyn soutient le maintien dans l’UE du bout des lèvres » titrait l’hebdomadaire (14/4/2016). C’est que « l’éternel rebelle de l’aile gauche du parti » a rappelé que cette UE qu’il n’entend pas quitter a, en revanche, « besoin de changer (car elle) manque de représentation démocratique » et qu’elle poursuit de mauvaises politiques qu’il entend continuer de combattre, comme le Grand marché transatlantique (TAFTA) ou la privatisation des services publics. En effet, n’en déplaise aux esprits bornés, « il est parfaitement possible d’être critique et en même temps de rester convaincu de la nécessité de rester membre de l’Union européenne » comme l’avait précisé Corbyn dans ce même discours et comme il l’a maintes fois réitéré depuis.
Cette position est également celle des principaux syndicats britanniques : ils appellent leurs adhérents à voter pour le maintien dans l’UE tout en estimant que celle-ci « doit changer » en rompant avec les « politiques d’austérité ».(1) Il est, enfin, intéressant de noter que 70% des jeunes Britanniques âgés de 18 à 24 ans , interrogés dans le cadre des enquêtes d’opinions , sont , eux aussi, clairement opposés à une sortie de leur pays de l’UE , sans être nécessairement des béni-oui-oui de « l’Europe » telle qu’elle se fait. Manifestement, ni les uns ni les autres ne se font la moindre illusion sur les avantages à attendre d’un face à face isolé avec les forces du capital de leur pays ni d’une flambée populiste consécutive à une victoire du camp du « Brexit ». Sans être au garde à vous devant Bruxelles.
Est-ce à dire que les « euro-critiques » de gauche devraient pour autant faire cause commune avec ce politicien foncièrement réactionnaire et ultra-libéral qu’est David Cameron, sous prétexte qu’il est, lui aussi, contre la sortie de l’UE, évidemment pour de tout autres raisons ? Qui peut l’imaginer un seul instant ! Qui ? « Le Monde » apparemment, qui vient de consacrer une demi-page et une manchette sur six colonnes à une critique en règle de Corbyn, coupable de faire « le service minimum » pour le « in » ( le maintien dans l’UE ). La preuve ? « Il refuse d’apparaître aux côtés de M. Cameron ». Pire : au Parlement de Londres, « il s’en est pris vivement à ce dernier alors qu’il est du même côté que lui dans la bataille référendaire ». Pourtant, note , dépité, le quotidien du soir, « le Premier Ministre ne ménage pas sa peine ». N’a-t-il pas « renoncé à son projet de loi destiné à asphyxier les syndicats et le Labour »? Certes, pas pour longtemps, puisque, reconnaît le correspondant du journal parisien, « les hostilités pourraient reprendre dès le lendemain du référendum »! (10/6/2016). Drôle de compromis ! « On attendait mieux d’un homme de la gauche » insiste pourtant « Le Monde »(12/6/2016) dans un éditorial au vitriol où l’on peut lire, en se frottant les yeux, que « par sa passivité, M. Corbyn s’associe à l’ultradroite nationaliste anglaise pour faire perdre l’Europe »! Pour notre part, nous disons merci à notre ami de ne pas renier ses valeurs progressistes dans cette campagne si complexe, en affirmant en quelque sorte un « NON de gauche » au Brexit.
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(1) Lettre des dirigeants des dix principaux syndicats au quotidien « The Guardian » le 6/6/2016. A noter que « Le Monde » a publié l’information…en en ignorant le second volet.
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