HDP, COMME « HONNEUR », « DÉMOCRATIE » ET « PAIX » !
25 mars 2021 at 2:47 Laisser un commentaire
Dans la longue série d’atteintes à la démocratie dont il se rend systématiquement coupable, le président turc est en train de franchir un pas d’une gravité exceptionnelle.
Non content de poursuivre sans relâche la persécution du HDP, le grand parti progressiste (souvent qualifié de façon réductrice de « parti pro-kurde »), emprisonnant son emblématique fondateur, Sélahattin Demirtas, et nombre de ses dirigeant.es et élu.es , destituant ses maires, pourchassant ses militant.es ou sympathisant.es, il envisage aujourd’hui ni plus ni moins que l’interdiction pure et simple de ce parti ! Un procureur turc vient, en effet, de saisir la plus haute Cour du pays pour faire condamner le HDP pour « terrorisme » afin de le faire disparaître de l’échiquier politique.
Pourquoi cet acharnement de la part d’Erdogan contre la troisième force politique de Turquie ? « Les membres du HDP s’efforcent, par leurs déclarations et leurs actes, de détruire l’union indivisible entre l’Etat et la nation », ânonne le procureur dans la langue de bois nationaliste du pouvoir.
Cette « union indivisible » n’est rien d’autre que la négation des doits des nombreuses minorités du pays. Quant à « l’Etat », c’est le pouvoir d’Erdogan.
La « nation » est ainsi sommée d’épouser sans broncher la vision ultra-conservatrice de la Turquie professée par son « Chef », tant sur le plan religieux que politique. Ce discours nous renvoie à un épisode-clé de la diabolisation du HDP, il y a bientôt 6 ans.
Aux élections législatives de juin 2015 -censées consacrer la toute-puissance du patron de la Turquie- , Erdogan subit sa première défaite après 13 ans de pouvoir sans partage : il perd la majorité absolue, indispensable pour changer la Constitution et ouvrir la voie à la présidentialisation du régime. Et l’auteur de ce crime de lèse-majesté s’appelle Sélahattin Demirtas ! À la tête du HDP, il vient de permettre à ce jeune parti -créée en 2012- de franchir ( largement ) la barre historique des 10% et d’envoyer du même coup 80 députées et députés au Parlement ! Les premières paroles de ce charismatique avocat défenseur des droits de l’homme, devenu un leader politique brillant, cultivé et moderne, résument bien la nature de l’antagonisme entre Erdogan et son principal opposant : « C’est la victoire commune de tous les peuples opprimés : turc, kurde, arabe, caucasien, arménien, bosniaque ; de toutes les ethnies de ce pays, de tous les peuples discriminés qui veulent vivre libres et penser librement » affirme d’emblée Demirtas ! Et, de fait, le HDP se révèle un ferment d’ouverture unique en Turquie : les femmes y exercent , à l’égal des hommes, des responsabilités jusqu’au plus haut niveau; toutes les minorités y jouissent de droits égaux et la jeunesse qui s’était révoltée en masse pour la démocratie dans le parc de Gezi, à Istanbul, deux ans auparavant, se reconnaît enfin dans un parti.
Pour Erdogan, c’est un défi rédhibitoire : de ce jour date sa volonté de détruire le HDP et tous ceux et celles qui le font vivre au quotidien. Aujourd’hui, il rêve de lui asséner le coup de grâce (1).
C’est dire l’urgence d’une solidarité aussi forte que large pour ce parti qui est l’honneur de la Turquie, et l’espoir d’un avenir fait de démocratie et de paix dans ce grand pays.
(1) Significativement, Erdogan retire au même moment la Turquie du traité d’Istambul sur les violences faites aux femmes !
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