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LA SUPPRESSION DU CORPS DIPLOMATIQUE : TOUT UN SYMBOLE !
Grève au Quai d’Orsay, ce 2 juin ! Le fait est suffisamment rare pour que l’on s’y arrête : il n’y a qu’un seul précédent (en 2003) dans toute l’histoire de ce ministère emblématique. Le malaise du « Quai » ne date pas d’hier, tant l’écart s’est creusé, année après année, entre l’ambition affichée en haut lieu d’une diplomatie universelle et les moyens, en recul constant , mis à la disposition de cette administration jadis si prestigieuse (Diplomatie : -30% en 10 ans; défense : + 23% en 5 ans !) . Macron aura réussi à faire déborder le vase. L’ironie du sort veut que ce soit le Président dont nombre de diplomates attendaient un sursaut en matière de politique étrangère qui assène à ce secteur le coup le plus rude : la suppression -par décret- du corps diplomatique ! Si cette « réforme » voit effectivement le jour, comme prévu, le 1er janvier 2023, les futurs « conseillers des affaires étrangères » et autres « ministres plénipotentiaires », chargés de représenter la France dans le monde et d’analyser, en retour, les réalités internationales en transformation perpétuelle -à une époque où les interdépendances impactent tous les domaines de la vie- ne seront plus des professionnels de la diplomatie. Ils seront choisis parmi les « administrateurs de l’Etat », vaste vivier de hauts fonctionnaires interchangeables : préfets, inspecteurs des finances ou…diplomate à Abidjan, à Bogota ou à Pékin !
Ancien parlementaire européen, j’ai pu, au gré de mes missions internationales, mesurer et apprécier -à de rares exceptions près- les compétences interdisciplinaires , la culture enrichie au fil des expériences successives et l’indispensable motivation à exercer ce métier si particulier, de nos diplomates . Maîtriser l’histoire des peuples, sinon leur langue; être à l’aise dans les arcanes des relations internationales; savoir gérer avec doigté des crises délicates ou des rapports de force complexes, cela ne s’improvise pas. Être Consul général à Jérusalem-Est, en charge du suivi des Territoires palestiniens occupés et en négociations constantes avec les autorités israéliennes, ne s’apprend pas dans un Institut chargé de former des « administrateurs » ! Représenter dignement la France au Brésil ou en Afrique du Sud a peu de choses à voir avec les prérogatives d’un Préfet de région ! Siéger au Conseil de sécurité des Nations unies suppose d’autres affinités que d’exercer ses talents -au demeurant utiles, mais d’une tout autre nature- d’inspecteur des finances.
Cette décision, qui risque de faire de la France le seul grand pays sans diplomates professionnels, est tout un symbole: celui d’un déclassement de la diplomatie française au profit d’une illusoire « puissance » militaire; celui d’un hyper-présidentialisme accordant au Chef de l’Etat le privilège de nommer « ses »représentants à travers le monde; celui, enfin, d’un mépris pour tout corps intermédiaire, fût-il aussi spécifique et indispensable que le corps diplomatique, les discours flamboyants ou les coups de com’ médiatiques du Prince tenant lieu de « Parole de la France ».
Toute notre solidarité aux diplomates en rébellion contre cette régression historique !
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