LA SUPPRESSION DU CORPS DIPLOMATIQUE : TOUT UN SYMBOLE !
2 juin 2022 at 5:45 2 commentaires
Grève au Quai d’Orsay, ce 2 juin ! Le fait est suffisamment rare pour que l’on s’y arrête : il n’y a qu’un seul précédent (en 2003) dans toute l’histoire de ce ministère emblématique. Le malaise du « Quai » ne date pas d’hier, tant l’écart s’est creusé, année après année, entre l’ambition affichée en haut lieu d’une diplomatie universelle et les moyens, en recul constant , mis à la disposition de cette administration jadis si prestigieuse (Diplomatie : -30% en 10 ans; défense : + 23% en 5 ans !) . Macron aura réussi à faire déborder le vase. L’ironie du sort veut que ce soit le Président dont nombre de diplomates attendaient un sursaut en matière de politique étrangère qui assène à ce secteur le coup le plus rude : la suppression -par décret- du corps diplomatique ! Si cette « réforme » voit effectivement le jour, comme prévu, le 1er janvier 2023, les futurs « conseillers des affaires étrangères » et autres « ministres plénipotentiaires », chargés de représenter la France dans le monde et d’analyser, en retour, les réalités internationales en transformation perpétuelle -à une époque où les interdépendances impactent tous les domaines de la vie- ne seront plus des professionnels de la diplomatie. Ils seront choisis parmi les « administrateurs de l’Etat », vaste vivier de hauts fonctionnaires interchangeables : préfets, inspecteurs des finances ou…diplomate à Abidjan, à Bogota ou à Pékin !
Ancien parlementaire européen, j’ai pu, au gré de mes missions internationales, mesurer et apprécier -à de rares exceptions près- les compétences interdisciplinaires , la culture enrichie au fil des expériences successives et l’indispensable motivation à exercer ce métier si particulier, de nos diplomates . Maîtriser l’histoire des peuples, sinon leur langue; être à l’aise dans les arcanes des relations internationales; savoir gérer avec doigté des crises délicates ou des rapports de force complexes, cela ne s’improvise pas. Être Consul général à Jérusalem-Est, en charge du suivi des Territoires palestiniens occupés et en négociations constantes avec les autorités israéliennes, ne s’apprend pas dans un Institut chargé de former des « administrateurs » ! Représenter dignement la France au Brésil ou en Afrique du Sud a peu de choses à voir avec les prérogatives d’un Préfet de région ! Siéger au Conseil de sécurité des Nations unies suppose d’autres affinités que d’exercer ses talents -au demeurant utiles, mais d’une tout autre nature- d’inspecteur des finances.
Cette décision, qui risque de faire de la France le seul grand pays sans diplomates professionnels, est tout un symbole: celui d’un déclassement de la diplomatie française au profit d’une illusoire « puissance » militaire; celui d’un hyper-présidentialisme accordant au Chef de l’Etat le privilège de nommer « ses »représentants à travers le monde; celui, enfin, d’un mépris pour tout corps intermédiaire, fût-il aussi spécifique et indispensable que le corps diplomatique, les discours flamboyants ou les coups de com’ médiatiques du Prince tenant lieu de « Parole de la France ».
Toute notre solidarité aux diplomates en rébellion contre cette régression historique !
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1.
michel muller | 3 juin 2022 à 1:23
Bonjour Francis,
en tant que re-fondateur de la CGT MAE en 1973 et premier secrétaire général du syndicat sous les auspices de l’UGFF, je te remercie pour ton édito.
(il ne restait alors que trois cgtistes au quai, le secrétaire général – chef d’un service – sa secrétaire et son appariteur. Il avait décidé de liquider le syndicat après que nous ayons osé publié un communiqué condamnant le coup d’Etat de Pinochet – qu’il considérait comme contraire à notre « devoir de réserve »…)
L’une de nos ligne de combat a été précisément la reconnaissance de la spécificité de nos différents métiers …
avec mon amitié,
michel
2.
michel muller | 3 juin 2022 à 1:26
Avec mes excuses pour les fautes d’orthographe non-corrigées avant envoi…
mm