Archive for 13 octobre 2011
MENACES SUR CHYPRE
On ne le rappellera jamais assez: il existe encore un pays de l’Union européenne dont près de 40% du territoire sont occupés militairement par une puissance étrangère! Le pays occupé, c’est Chypre. La puissance occupante, c’est la Turquie, par ailleurs membre de l’OTAN et candidate à l’entrée dans l’UE. La raison invoquée il y a 37 ans par la Turquie pour justifier l’invasion de la partie nord de l’île était le coup d’Etat fasciste perpétré par le régime des colonels grecs avec le concours de l’extrême-droite nationaliste chypriote-grecque. Ankara disait vouloir protéger la communauté chypriote-turque, alors effectivement menacée (tout comme les démocrates chypriotes-grecs, particulièrement les communistes). Il va sans dire que ces justifications n’ont plus aucun sens aujourd’hui! L’actuel Président de la République de Chypre, Demetris Christofias, leader du parti AKEL (communiste – 33% des suffrages au premier tour) est même une figure emblématique du combat pour une réunification du pays fondée sur l’égalité politique entre les deux communautés et le partage équitable du pouvoir.
Pourtant, l’obstination des dirigeants turcs bloque toute perspective se solution. Pire, le Premier Ministre, Erdogan, se montre de plus en plus arrogant et même menaçant vis-à-vis de Chypre et, plus généralement, de quiconque a l’outrecuidance de traiter normalement avec cet Etat souverain. Bousculé comme tant d’autres par le « printemps arabe », il a tourné le dos à ses anciens amis devenus encombrants, pour se présenter en leader du Moyen-Orient, allié privilégié du peuple palestinien. Fort de cette posture avantageuse, il redouble d’agressivité vis-à-vis de Chypre.
Ainsi menace-t-il directement le gouvernement de Nicosie, sans exclure un conflit, si celui-ci ne fait pas stopper les explorations de gaz offshore dans la zone économique chypriote! Les explorations en question ont pourtant lieu au sud de Chypre, face à Israël ou au Liban, et non au nord, près de la Turquie. En outre, les autorités chypriotes avaient, d’emblée, précisé que les éventuelles retombées de ces recherches profiteraient à l’ensemble des Chypriotes – tant Turcs que Grecs. Il n’empêche: Ankara ne reconnaissant pas la République de Chypre et n’ayant pas signé la Convention des Nations Unies sur le Droit de la Mer (entrée en vigueur en 1994) s’octroie le pouvoir d’envoyer ses propres navires dans la zone, escortés de torpilleurs, de frégates, de F16! Sur sa lancée, le gouvernement turc va jusqu’à annoncer que « ses relations avec l’Union européenne prendraient brutalement fin » si la République de Chypre était appelée – comme le prévoit naturellement le calendrier des rotations semestrielles – à exercer la présidence tournante de l’UE à partir du 1er juillet 2012…
C’est dans ce contexte international tendu que le Président chypriote doit faire face, à l’intérieur du pays, tout à la fois à de sérieux problèmes économiques (effet de la crise sur l’activité touristique, exposition des banques à la dette grecque; mise hors service d’une centrale électrique stratégique suite à l’explosion dramatique d’un dépôt d’armes, etc.) et à une grave crise politique: tout ce que le pays compte de forces hostiles à l’accession d’un communiste aux responsabilités suprême se ligue pour tenter de le faire chuter, quitte à laisser le champ libre à la stratégie d’Erdogan, grosse d’une dangereuse crise en Méditerranée orientale. C’est dire si nos amis chypriotes ont besoin de solidarité. Ils la méritent.
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