UNE EUROPE DEMOCRATIQUE EST-ELLE POSSIBLE ?
10 novembre 2011 at 9:53 2 commentaires
Un quarteron de puissants s’attribuant le droit d’humilier toute une nation,de placer sous tutelle ses institutions,de sommer son peuple de « choisir » entre la soumission et l’exclusion : le spectacle hideux qu’offre l’ « Union » européenne,aux prises avec la plus grave crise de son histoire,met une fois encore,et plus vivement que jamais,à l’ordre du jour la question de sa légitimité démocratique.
Mais qui donc dirige aujourd’hui l’ « Europe »? Le Conseil européen des Chefs d’Etat et de gouvernement? Ce serait en soi le fruit d’une super-délégation de pouvoir fort contestable. Mais tel n’est même pas le cas! En réalité,les rênes sont tenus par la dirigeante de l’économie la plus riche -cautionnée par le soutien inconditionnel de son fidèle allié, flatté de jouer ainsi dans la cour des grands- auxquels s’ajoutent le président « indépendant » de la Banque centrale et le coordinateur des ministres des finances de la zone euro. Le fait que la seule évocation d’un référendum mette ce petit monde en transe en dit long sur une pierre angulaire de leur construction: la peur des peuples. Ce n’est pas chose nouvelle. Depuis qu’ont été posés les premiers jalons de ce projet, les affaires de l’Europe ont été jugées trop sérieuses pour être confiées aux Européens. Ceux-ci sont traités en « consommateurs » et, le moment venu, en électeurs,bien plus qu’en citoyens. La « méthode Monnet » (du nom du principal « père de l’Europe ») consistait dès le début à éluder tout débat politique,à tenir les peuples à l’écart des choix cruciaux,à mettre en place un « engrenage » (spill over) conduisant subrepticement d’une étape à l’autre,le tout étant gravé dans le marbre de traités réputés intangibles…
Alors,une Europe démocratique est-elle possible et à quelles conditions ?En accordant plus de prérogatives au Parlement européen? Il est déjà co-législateur et peut utilement voir encore élargir ses compétences.Mais il ne saurait à lui seul combler la carence rhédibitoire de cette construction en matière de démocratie, d’autant qu’il est tenu de respecter les traités… En impliquant effectivement et non symboliquement les parlements nationaux dans les décisions essentielles? C’est indispensable mais tout aussi insuffisant pour changer la donne en profondeur.
Le maillon manquant, ce sont les citoyens eux-mêmes, et il est décisif. La rupture radicale à opérer est bien de créer les conditions de leur intervention politique éclairée, comme en 2005,en France, mais de façon durable et non limitée à un seul pays. La profondeur de la crise du modèle libéral européen et la force des aspirations au changement dans toute l’Europe donnent à cette perspective une crédibilité absolument sans précédent. La question est:d’où peut partir l’impulsion d’un tel mouvement? Un gouvernement clairement de gauche, en France en 2012,pourrait prendre l’initiative de réunir des « Etats généraux de la refondation européenne » en y invitant toutes les forces politiques, syndicales et associatives disponibles en Europe pour dégager les axes majeurs d’un nouveau cours européen. Cette idée, familière aux lecteurs de cette chronique est désormais une proposition officielle du Front de gauche. Et un espoir de renouveau démocratique pour l’Europe.
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1.
gilles | 26 novembre 2011 à 9:32
Comprendre pourquoi l’existence d’un grand État Fédéral et donc un État Fédéral Européen n’est compatible qu’avec un très bas niveau de démocratie.
Marat, déjà en 1792, dans son livre « Les chaînes de l’esclavage » au chapitre : « De l’étendue de l’État » argumente sur la difficulté pour les citoyens de contrôler les pouvoirs, difficulté qui augmente avec la taille de l’État.
« Lorsque de sages lois forment le gouvernement, la petite étendue de l’État ne contribue pas peu à y maintenir le règne de la justice et de la liberté ; et toujours d’autant plus efficacement qu’elle est moins considérable.
Le gouvernement populaire parait naturel aux petits États, et la liberté la plus complète s’y trouve établie.
Dans un petit État, presque tout le monde se connaît, chacun y a les mêmes intérêts ; de l’habitude de vivre ensemble naît cette douce familiarité, cette franchise, cette confiance, cette sûreté de commerce, ces relations intimes qui forment les douceurs de la société, l’amour de la patrie. Avantages dont sont privés les grands États, où presque personne ne se connaît, et dont les membres se regardent toujours en étrangers.
Dans un petit État, les magistrats ont les yeux sur le peuple, et le peuple a les yeux sur les magistrats.
Les sujets de plainte étant assez rares, sont beaucoup mieux approfondis, plutôt réparés, plus facilement prévenus.
L’ambition du gouvernement n’y saurait prendre l’essor sans jeter l’alarme, sans trouver des obstacles invincibles. Au premier signal du danger, chacun se réunit contre l’ennemi commun, et l’arrête. Avantages dont sont privés les grands États : la multiplicité des affaires y empêche d’observer la marche de l’autorité, d’en suivre les progrès ; et dans ce tourbillon d’objets qui se renouvellent continuellement, distrait des uns par les autres, on néglige de remarquer les atteintes portées aux lois ou on oublie d’en poursuivre la réparation. Or, le prince mal observé, y marche plus sûrement et plus rapidement au pouvoir absolu. »
Nous pouvons trouver les mêmes types d’arguments dans le : « Contrat Social » de Rousseau, ainsi que dans des ouvrages de Diderot et Montesquieu, ce n’est pas d’aujourd’hui que les être humains ont remarqué l’antagonisme entre taille de l’État trop importante et démocratie.
La mécanique de la régression du niveau de démocratie imposé par le fédéralisme dans un grand État devrait être facile à comprendre :
— 1 — Elle tient à la dilution de l’influence des électorats nationaux dus à l’éloignement du centre des décisions. C’est déjà dur pour un français éloigné de Paris de manifester devant l’Assemblée Nationale qui est encore responsable, même si cela est un peu biaisé, alors vous pouvez imaginer pour un estonien ou un grec aller à Bruxelles manifester devant votre nouvel exécutif européen même alternatif ! La mécanique de la régression sera identique avec votre nouveau système fédéral alternatif puisqu’il introduira le renforcement croissant de l’autonomie de l’exécutif fédéral européen du à l’éloignement de l’électeur.
— 2 — Les politiques centralisées ont toutes les chances de moins bien refléter les préférences des électeurs dans un ensemble plus vaste, et nécessairement plus hétérogène. Il s’en suit que le passage à une politique fédérale au niveau du sous-continent ne peut qu’affaiblir la satisfaction démocratique des électorats nationaux puisque ceux-ci ont des préférences spécifiques.
— 3 — La centralisation, qui correspond en l’occurrence à un accroissement de la dimension de la société politique détermine un gain considérable de pouvoir et de ressources pour la classe politique et administrative dans son ensemble, ainsi que pour les groupes de pression ou lobbies.
Votre nouveau système fédéral ou unioniste sera éloigné des électeurs et toujours proche des lobbies. Vous allez me dire que ce n’est pas ce que vous voulez, que votre nouveau système fédéral ne tiendra pas compte des lobbies. Mais ces lobbies assiégeront impitoyablement votre nouveau système justement parce qu’il est centralisé.
Pourquoi ?
On sait que les réglementations sont assimilables à des impôts accompagnés de subventions. Elles imposent en effet des coûts supplémentaires à certains catégories d’acteurs et apportent des avantages ou transferts à d’autres catégories. Ainsi par exemple, une politique de soutien des prix agricoles ( au-dessus des prix courants du marché ) détermine un prélèvement sur les revenus des consommateurs de ces produits, qui permet de subventionner les producteurs.
Or le passage de réglementations qui affectent une nation de 50, 60 millions d’habitants à des réglementations qui en affectent 500 millions change évidemment le « budget implicite » correspondants à ces quasi-impôts et transferts de revenus. Une mesure qui représenterait un montant d’impôt et un transfert de revenu de 5 euros détermine dans votre nouveau système européen, un impôt et un transfert de revenu de 5 x ( 500 / 60 ) euros = 41,6 euros soit 8,33 fois plus.
Le pouvoir de votre nouvel exécutif fédéral européen qui décidera de ces opérations sera multiplié d’un facteur d’environ 8 si on le compare à l’ancien pouvoir national d’une nation de 60 millions d’habitants. Ceci puisqu’il peut affecter ces mêmes montants à des clientèles beaucoup plus vastes. L’attractivité des carrières dans votre nouvel exécutif sera augmentée d’autant.
Quel rapport avec les lobbies me direz-vous ?
Déjà les personnes qui seront attirées par la direction de votre nouvel ensemble européen alternatif auront plus comme motivation le prestige de régner sur beaucoup d’habitants que le simple dévouement que l’on pourrait attendre. Le caractère « alternatif » de votre « construction » en sera déjà lourdement affecté.
Mais ce n’est pas tout, la centralisation bénéficiera aux divers lobbies. Au lieu d’avoir à négocier avec 15, 25 ou 27 autorités nationales indépendantes les unes des autres, les lobbies peuvent gagner du temps et se concentrer sur une seule autorité pour avoir accès à un marché unifié de 500 millions de consommateurs. L’importance accrue des bénéfices correspondants à attendre de la réglementation commune accroît la force de corruption et l’assiduité effrénée des lobbies.
En première approximation, le coût du lobbying en europe est divisé par 27 du fait de la réglementation centralisée par rapport à la réglementation nationale, tandis que les avantages eux sont multipliés par 27.
Votre nouveau système alternatif fédéral européen ne pourra pas être défendu pour le maintien des principes démocratiques que vous défendez ( à cause de l’éloignement des citoyens ) contre des lobbies qui seront eux plus puissants.
Votre nouveau système fédéral alternatif européen renforcera l’autonomie des exécutifs, nous éloignera des pratiques démocratiques effectives en vidant le débat public de sa substance à cause de la taille trop grande de l’État par rapport aux possibilités d’intervention et de présence physique des citoyens.
Cette illusion de croire, contrairement à la réalité, que la construction d’espace démocratique est possible à grande échelle territoriale a déjà donné des déconvenues sévères pour les salariés et la démocratie. En 1981-1982 François Mitterrand a réclamé en vain pendant deux ans la création d’un « espace social européen », une relance pour lutter contre le chômage et une protection commerciale plus forte à l’égard des États-Unis et du Japon. Les institutions européennes l’obligèrent à céder et à entamer une politique de rigueur en 1983, comme récemment Socratès, Zapatero et Papandréou.
Cette illusion fédérale conduit la gauche à sa perte, ce qui était le but de la « construction » européenne :
empêcher toute politique de gouvernement en faveur de la majorité du peuple en l’empêchant de peser sur les décisions en l’éloignant.
2. Il n’est pas de problèmes que l’absence de solution ne finisse par résoudre. | vbjcdkjsckjsbkd | 13 février 2014 à 6:49
[…] Nous ressentons avec certains arguments difficiles à contester ( liens vers un argumentaire : https://franciswurtz.net/2011/11/10/une-europe-democratique-est-elle-possible/#comments ) qu’une autre « construction » européenne, même basée sur les choix progressistes les […]