HONGRIE, POLOGNE : UN CHANTAGE INJUSTIFIABLE
26 novembre 2020 at 6:42 Laisser un commentaire

Quelle que soit l’issue du bras de fer entre l’Union européenne d’une part, et la Pologne ainsi que la Hongrie (soutenues par la Slovénie) d’autre part, cette affaire hors normes laissera des traces. En jeu, 1800 milliards d’euros : soit le montant cumulé du budget européen des 7 prochaines années et surtout, dans l’immédiat, celui du « Plan de relance » âprement négocié entre les 27 gouvernements de l’UE face à la crise du Covid -dont 390 milliards de subventions attendues avec impatience par les pays les plus durement touchés par la pandémie ! Le déblocage de ces sommes dépendant d’un vote à l’unanimité des Etats membres, Varsovie et Budapest font dépendre leur accord de l’annulation d’une clause dite de « l’Etat de droit » : à savoir que, pour bénéficier de ces fonds, chaque pays doit respecter un certain nombre de règles démocratiques fondamentales.
Les deux régimes ultra-réactionnaires qui s’opposent à cette exigence le font au nom de la « souveraineté ». Or, si ce principe est légitime en lui-même, l’invoquer dans ce cas est hypocrite. Les « conditions » fixées pour bénéficier de cet argent sont, en effet, limitées à des règles de base, telles la séparation des pouvoirs ou l’indépendance du pouvoir judiciaire, afin de garantir, autant que faire se peut, une utilisation transparente et légale de ces sommes colossales. La Pologne ne peut pas demander à rester le 1er bénéficiaire -et la Hongrie le 4ème- des fonds européens et vouloir se soustraire aux règles communes concernant leur gestion.
Pour autant, les dirigeants européens seraient bien inspirés de s’interroger sur le fait que ces actes de « résistance à Bruxelles » puissent servir d’argument électoral à un régime comme celui du Hongrois Orban. Tant qu’il n’y aura pas, dans l’UE, de ruptures franches avec les politiques et les modes de fonctionnement en vigueur -qui rendent inaudibles les discours sur « les valeurs »- « l’Europe » contribuera à nourrir plus qu’à réduire l’influence de personnages aussi néfastes et de forces aussi dangereuses que celles qui exercent leur injustifiable chantage aujourd’hui.
Dans l’immédiat, la pire des fautes serait de battre en retraite face à un régime autocratique, corrompu et xénophobe comme celui de Budapest, ou à une équipe despotique et obscurantiste comme celle de Varsovie . Loin de supprimer toute condition au versement des fonds européens (120 milliards sur 7 ans pour la Pologne; 40 milliards pour la Hongrie ! ), il conviendrait de lier ceux-ci à l’acceptation de la réciprocité en matière de solidarité -par exemple lorsqu’il s’agit d’accueillir des réfugiés- ou encore à l’abolition de mesures aussi indignes que l’instauration de « zones sans idéologie LGBT » et la criminalisation de l’IVG en Pologne ou du projet, annoncé par le même pays, de se retirer de la Convention d’Istambul sur les violences faites aux femmes !
D’une façon générale, il faudra bien, un jour, ouvrir un débat européen refoulé depuis des lustres : « Que voulons-nous faire ensemble ? » Des choix clairs doivent être soumis aux citoyennes et aux citoyens de chaque pays. A chaque nation, ensuite, de prendre ses responsabilités.
Entry filed under: Francis Wurtz.
Trackback this post | Subscribe to the comments via RSS Feed