« REPENSER LA SÉCURITÉ INTERNATIONALE »
16 septembre 2021 at 5:51 Laisser un commentaire
Deux événements extraordinaires -au sens littéral du terme- suscitent actuellement, et alimenteront encore longtemps, débats et réflexions dans le monde entier. Ils sont apparemment sans lien, mais, à y regarder de plus près, appellent une même conclusion. Ce sont, d’une part, les dommages humains et économiques colossaux de la pandémie de la Covid-19 et, d’autre part, l’aboutissement sans gloire de l’aventure militaire des Etats-Unis et de l’OTAN en Afghanistan.
Tous deux posent avec une acuité renouvelée une même question : que faut-il changer dans les conceptions et les pratiques en vigueur pour assurer durablement dans le monde d’aujourd’hui notre sécurité commune ? C’est dire si la sortie, ces jours-ci, du dernier livre de notre ami Bertrand Badie : -« Les puissances mondialisées / Repenser la sécurité internationale »- est bienvenue ! (1)
Ainsi, l’auteur est-il particulièrement convaincant quand il souligne « l’énorme interrogation sur la place du militaire face à des formes nouvelles de conflictualité, d’extraction sociale plus que stratégique, mobilisant la faiblesse plus que la puissance ». Ironisant sur l’ambition affichée de l’opération militaire, d’initiative française, Barkhane -la « sécurisation »- Badie rappelle que « la guerre du Sahel s’alimente dramatiquement d’un manquement grave aux exigences de la sécurité humaine », à commencer par la malnutrition de masse, la quasi-absence de services sociaux, le chômage des jeunes, la désertification et les déplacements forcés, « autant de facteurs mécaniquement exploitables par les entrepreneurs de violence, les réseaux mafieux ou les autorités communautaires rivales ».
En d’autres termes, attaquons-nous à la cause du mal plutôt que céder au « réflexe dangereux qui consiste à croire qu’il y a une solution militaire à toute réalité insécure ». D’ailleurs, « dorénavant, plus aucune puissance ne gagne les guerres ».
En outre -démontre brillamment Bertrand Badie- , à l’époque de la mondialisation, où les principales menaces ne sont pas le fait d’un « ennemi » ni ne visent spécifiquement tel ou tel territoire, « la sécurité, de nationale, est devenue globale, intimement rattachée à l’idée d’une humanité entière, inquiétée davantage dans son être que dans son appartenance nationale », ce qui doit nous faire mesurer le besoin vital d’un multilatéralisme digne de ce nom. Nous en sommes globalement loin, tant sur le plan sanitaire qu’en ce qui concerne les autres enjeux vitaux, tels l’alimentation, le climat, la biodiversité ou encore les migrations. Pourtant, l’auteur attire notre attention sur le rayonnement planétaire de certaines dynamiques sociales prometteuses, ainsi que sur des initiatives économiques ou diplomatiques de certains États, privilégiant à l’occasion -sous l’effet d’une interdépendance de plus en plus incontournable- la coopération à la concurrence et la solidarité au cavalier-seul.
Dans ce contexte, très fluctuant, l’auteur esquisse -prudemment- une définition du concept de « puissance mondialisée ». C’est ainsi qu’il qualifie « un État capable de s’insérer dans la mondialisation de manière optimale, c’est à dire en en retirant le maximum d’avantages individuels tout en créant un ordre global profitable ». Un ordre global profitable (à toutes et à tous) : ce dernier membre de phrase est décisif.
———(1) Bertrand Badie est reconnu comme l’un des meilleurs spécialistes des relations internationales. Son dernier ouvrage est paru chez Odile Jacob.
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