POURQUOI L’ACCORD UE-MERCOSUR PEUT ÊTRE MIS EN ÉCHEC
11 juillet 2019 at 6:55 Laisser un commentaire
Aucune négociation commerciale entre l’Union européenne et un autre ensemble régional du monde n’a duré autant de temps ni ne fut aussi problématique que celle avec le Mercosur (« Marché commun du Sud » regroupant à ce jour le Brésil, l’Argentine, l’Uruguay et le Paraguay). Les premières discussions remontent…à 1995 et l’adoption d’un cadre commun pour les négociations proprement dites date de 1999 ! Cette seule anomalie nous renseigne sur l’ampleur des divergences existant entre les deux parties. Celles-ci portaient, on le sait, sur la question agricole, mais aussi sur les politiques d’investissement et de propriété intellectuelle, les appellations d’origine , l’accès aux marchés publics, les normes (sanitaires et phytosanitaires notamment)…Ces différends étaient si importants qu’ à plusieurs reprises, les négociations furent suspendues pendant plusieurs années avant que de nouvelles équipes dirigeantes ne décident de les reprendre. La dernière relance date de 2016,…l’année de l’échec du TAFTA, le tristement fameux projet de traité de libre-échange transatlantique.
C’est dans ce cadre qu’il convient de situer l’invitation du nouveau Président argentin à l’Elysée, en janvier 2018. En effet, à son retour à Bueno Aires, Mauricio Macri avait, à la surprise générale, déclaré que tout était désormais débloqué. Des observateurs avaient cru à un coup de bluff du leader latino-américain : « Le blocage agricole est connu et je vois mal un Président français céder sur ce point » avait même déclaré un spécialiste de ce dossier (1). La suite nous prouva le contraire. La Commission mit les bouchées doubles afin de conclure les négociations avant la fin de son mandat, fixée au 30 octobre prochain. Quitte à créer une situation politiquement explosive.
Syndicats et associations s’organisent en Europe; 340 ONG brésiliennes sont vent debout ! Qu’il s’agisse des filières agricoles européennes menacées ou des secteurs industriels fragiles des pays du Mercosur ou des mouvements sociaux des deux continents, aussi hostiles à la domination des multinationales ignorant les droits sociaux qu’à l’agrobusiness destructeur de l’environnement et de l’agriculture paysanne, le vent se lève. En France, il souffle jusque dans les rangs de la majorité parlementaire, fait éclater les contradictions entre le Président et ses ministres, sème la panique chez les politiciens à quelques encablures des élections municipales…Et, cerise sur le gâteau : certains passages du futur projet de traité devront être ratifiés par tous les parlements nationaux et régionaux des 27 Etats de l’UE. Que la bataille s’engage !
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(1) Jean-Jacques Kourliandsky, chercheur à l’Institut des recherches internationales et stratégiques (IRIS). Voir RIS No 111, automne 2018.
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